Dans une opinion exprimée récemment dans les pages du Placoteux, sous le titre « Le consensus peut être une forme de censure », M. Philippe Dubé, citoyen d’adoption de Rivière-Ouelle, suggérait la création d’un ombudsman dans chaque MRC pour recevoir et évaluer, dans un rapport annuel devant faire l’objet d’une assemblée publique, les plaintes et les suggestions des citoyens qui sont parfois écartées au nom du consensus social, concernant l’aménagement du territoire, la gestion des ressources, les activités commerciales et industrielles, l’offre de services, l’environnement, la culture ou le patrimoine.
Permettez-moi de douter de la nécessité et de l’utilité d’un tel ombudsman, qui agirait un peu comme une sorte de juge de nos débats démocratiques. Les citoyens disposent déjà de plusieurs moyens pour exprimer leurs opinions. Il existe des comités de citoyens ou de développement et des groupes de participation communautaire dans presque toutes les municipalités, dont c’est une des fonctions. Je ferais peut-être exception pour l’administration de la MRC, qui demeure somme toute assez fermée et peu accessible aux citoyens et peu imputable. Les séances des conseils municipaux et de la MRC sont en principe ouvertes à tous, bien que peu invitantes et peu accommodantes pour les citoyens présents, mais rien n’empêcherait les élus municipaux et les dirigeants de la MRC, surtout si les citoyens le demandent, de tenir une ou deux fois par année des séances publiques d’information et d’échanges sur les décisions importantes en cours et sur les doléances ou suggestions des contribuables. Les médias locaux et régionaux sont aussi ouverts en général à donner la parole aux citoyens.
Je ne vois donc pas l’utilité de faire arbitrer nos débats démocratiques par une sorte de juge sorti de nulle part. Nous subissons déjà bien assez le gouvernement par les juges que nous impose la Constitution canadienne. Dans un village de 500 habitants et une MRC de 20 000 personnes, on doit pouvoir se parler par les mécanismes démocratiques existants. C’est le rôle du conseil municipal et de son maire d’arbitrer le bien commun et le débat démocratique, et s’ils ne le font pas suffisamment, c’est aux citoyens de les rappeler à l’ordre. Par expérience, je sais que c’est possible. Mieux encore, pourquoi ne pas proposer sa candidature aux postes électifs si on croit avoir de bonnes idées et la confiance de ses concitoyens? C’est encore en s’intégrant aux structures locales qu’on peut le mieux faire valoir ses idées.
C’est le peuple qui est souverain : pas les ombudsmans, ni les juges, ni même les élus. Rien ne peut remplacer la participation démocratique des citoyens. Ça aussi j’en ai fait l’expérience.
Roméo Bouchard, Saint-Germain-de-Kamouraska