Favoriser les fromages d’ici pour contrer l’invasion européenne

Nos fromagers mettent de la passion dans leur production, comme ici Pascal-André Bisson, de la fromagerie Le Mouton blanc de La Pocatière. Photo : Le Mouton blanc

Avec la mise en œuvre des accords de libre-échange, les rayons des épiceries québécoises voient arriver chaque année des millions de kilogrammes de fromages européens. En 2024, ce sont près de deux millions de kilos supplémentaires qui se sont ajoutés, portant le total à plus de 17,7 millions de kilos de fromages importés au Canada, soit plus du double de 2016. Cette concurrence impose une pression accrue sur les artisans locaux, qui comptent sur le soutien des Québécois pour préserver le dynamisme économique de nos régions.

Les Producteurs de lait du Québec (PLQ) ont lancé la campagne Favorisez les fromages d’ici visant à encourager les consommateurs à choisir les produits locaux. « Même si 84 % des Québécois préfèrent les fromages d’ici, beaucoup n’ont pas le réflexe de vérifier la provenance avant d’acheter », souligne Daniel Gobeil, président des PLQ.

Il rappelle que quelques secondes pour vérifier l’origine d’un fromage permettent de soutenir les producteurs québécois, et de célébrer le savoir-faire local. La campagne, qui s’articule autour de messages accrocheurs comme « On ne sort pas d’ici sans fromages d’ici! », mise sur des publicités en magasin et sur des vidéos ludiques pour inciter les consommateurs à privilégier les fromages du terroir.

Une production riche

Dans nos régions, la production locale est riche et variée, avec 69 fromages produits. Le Bas-Saint-Laurent compte quatre fromageries artisanales, dont le Mouton blanc de La Pocatière. Dans Chaudière-Appalaches, ce sont dix fromageries qui produisent 153 fromages, avec des producteurs renommés comme la fromagerie Port-Joli de Saint-Jean-Port-Joli, et la fromagerie de l’Isle, à L’Isle-aux-Grues.

Les PLQ rappellent aux Québécois que « chaque achat est un vote », et qu’il est possible de vérifier l’origine des fromages en recherchant les logos Aliments du Québec ou Lait de qualité des Producteurs de lait, en consultant les informations d’origine sur l’emballage, ou encore en visitant le site fromagesdici.com. Ces gestes significatifs sont essentiels pour faire face à l’ampleur des importations, et continuer de valoriser l’expertise unique des artisans québécois dans l’industrie fromagère.

Combattre à armes inégales

Le maître fromager et propriétaire de la Fromagerie Port-Joli, Robert Tremblay, estime quant à lui que depuis 2016, ce sont 16 000 kilos de fromages importés qui entrent au Québec chaque année, et que depuis la dernière année, ce nombre est passé à 18 000 kilos, alors que les fromages européens ne sont pas soumis aux mêmes normes de production que les fromages québécois.

« Malgré la pénurie de main-d’œuvre et les accords de libre-échange, on s’en sort bien, car on fait du fromage de qualité. Ça n’a rien à voir avec ce qui se faisait au Québec dans les années 60. Toutefois, force est de constater que les fromages européens ne sont pas soumis aux mêmes standards que les nôtres, de sorte qu’on ne se bat pas à armes égales », dit-il au Placoteux.

Qui plus est, selon M. Tremblay, le coût de la vie ayant fortement augmenté, plus spécifiquement les denrées à l’épicerie, il n’est pas surprenant de constater que malgré la bonne volonté de consommer localement, le portefeuille a souvent le dernier mot. « Nous sommes aux prises avec un accord de libre-échange favorisant l’importation de fromages étrangers qui coûtent moins cher à produire, en plus de subir une crise inflationniste qui a fait monter le prix des denrées, explique-t-il. Je dois tout de même avouer que je suis heureux de voir que les Producteurs de lait du Québec souhaitent préserver le dynamisme économique des régions en lançant une campagne qui vise à encourager les consommateurs à choisir les fromages locaux. »

Robert Tremblay précise en terminant que l’industrie fromagère n’a pas eu d’aide du gouvernement fédéral en lien avec ledit accord. « Les Producteurs de lait se sont déjà partagé des montants compensatoires pour contrer l’impact des ententes de libre-échange, alors que l’industrie fromagère n’a rien obtenu », conclut-il, tout en admettant demeurer positif pour l’avenir.