Le financement demeure toujours un enjeu pour les maisons des jeunes, mais la reconnaissance de leur expertise et leur impact au sein de la communauté également. De vieux préjugés ont la vie dure et un nouveau service poussé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, inspiré en partie de leur offre de services, semble sous-estimer leur impact au sein de la communauté.
L’image de la maison des jeunes, lieu de consommation de drogues légales ou non, semble encore perdurer. Ce préjugé tenace qui a plus d’une quarantaine d’années, à une époque où le réseau n’était pas structuré comme aujourd’hui, doit encore être déconstruit par moment, de l’avis des coordonnateurs des deux maisons des jeunes du Kamouraska, Serge Binet et Andrée-Anne Jacob-Tardif.
« Sinon, l’autre image qui colle à la peau des maisons des jeunes c’est que nous ne sommes qu’un lieu de loisirs. C’est très réducteur quand on sait qu’on emploie des intervenants spécialisés et formés qui font beaucoup d’éducation et de prévention, oui, à travers le loisir, mais dans un environnement encadré », poursuit la coordonnatrice du Carrefour des jeunes de La Pocatière.
Dans le milieu communautaire et scolaire, même au sein du réseau de la santé et des services sociaux, les maisons des jeunes ne souffrent toutefois pas de ces images biaisées. Les collaborations sont multiples et plusieurs reconnaissent qu’ils sont souvent en première ligne avec les adolescents, grâce à un lien privilégié qu’ils ont souvent bâti dans un contexte où ceux-ci ne se trouvaient pas en situation de crise. Si le besoin se fait sentir, l’intervention en maison des jeunes est souvent plus rapide et le référencement aux bonnes ressources, immédiat.
Cette méconnaissance de l’action des maisons des jeunes reste encore malheureusement méconnue du grand public. Les deux dernières années de pandémie n’ont pas non plus aidé, leurs portes étant ouvertes ou fermées aux jeunes au gré des vagues. « On a tout de même fait un gros effort pour demeurer accessible de manière virtuelle auprès de nos jeunes qui ont payé très cher le prix de ces deux années de confinement », poursuit le coordonnateur du Quartier Jeunesse de Saint-Pascal, qui entend maintenir cette approche auprès de ceux qui n’ont pas accès au transport pour se rendre à son point de service sur une base régulière.
Andrée-Anne Jacob-Tardif rappelle de son côté que les maisons des jeunes avaient été considérées, à juste titre, comme service essentiel au plus fort de la pandémie. Elle ne comprend simplement pas pourquoi cette reconnaissance n’est pas accompagnée notamment par un meilleur financement à la mission, l’approche « par projet » qui est reine par dépit dans le milieu communautaire demeurant souvent la seule approche pour obtenir de l’argent supplémentaire et augmenter les heures des employés.
« On décide pour nous ce qu’on doit faire. Si on nous finançait davantage à la mission, c’est qu’on reconnaîtrait que nous sommes en mesure de bien cibler les besoins de notre clientèle et que nous sommes les mieux placés pour intervenir sur ces problématiques », enchaîne-t-elle.
Aire ouverte
Ce manque de reconnaissance de l’appareil gouvernemental transpire également à travers son projet Aire ouverte qui cible les jeunes de 12 à 25 ans et qui est passé relativement sous silence au cours des dernières années. Construit autour d’un meilleur accompagnement psychosocial gratuit pour les jeunes, Aire ouverte se déploie dans des locaux à « l’ambiance décontractée », comme on peut lire sur le site du CISSS de la Montérégie-Centre, un environnement qui rappelle dans certains cas celui des maisons des jeunes, selon Serge Binet.
À l’échelle provinciale, les projets-pilotes Aire ouverte, entièrement financés par le réseau public, auraient été plus ou moins bien reçus dans les réseaux des Auberges du cœur et le Regroupement des maisons des jeunes, de l’avis des deux coordonnateurs, en raison de la nature des services qu’ils proposent et qui font, en quelque sorte, « écho » à leur offre. Un service de ce type doit d’ailleurs voir le jour prochainement au Bas-Saint-Laurent, dans la ville de Rivière-du-Loup.
« L’approche est très louable, car il est vrai que les jeunes manquent de services psychosociaux. La façon dont ç’a été déployé dans certaines régions, par contre, c’est un peu désolant. En plus, quand on sait le budget dont ils vont disposer en étant rattachés au réseau public, alors qu’on doit se battre pour un financement décent, ce qui risque de nous fragiliser encore davantage du côté de nos ressources humaines, c’est un peu frustrant », explique Andrée-Anne Tardif.
Les deux coordonnateurs insistent néanmoins pour signifier que les deux ressources qui auraient été déjà embauchées en lien avec le projet d’Aire ouverte au Bas-Saint-Laurent proviendraient du milieu communautaire régional et seraient déjà sensibilisées à l’importance du travail en complémentarité avec les organismes existants et le respect des missions de chacun.
« Il y a une belle écoute de leur part et on sent qu’on n’est pas dans l’aire de vie, mais bien l’aire de services. Mais c’est quand même déplorable que le gouvernement s’inspire de nous pour démarrer un projet provincial, alors qu’il aurait pu bonifier les ressources déjà en place dans le milieu communautaire en les finançant juste adéquatement », concluent-ils.