Le 7 mars 1855, le fonctionnaire d’élection de Rivière-Ouelle Joseph-Magloire Hudon est condamné à 24 heures de prison. On l’accuse de corruption et de fraude. C’est la catastrophe. L’élection dans le comté de Kamouraska est annulée. Que s’est-il donc passé?
Yves Hébert
Durant les années 1850, deux clans familiaux s’opposent pour toutes sortes de raisons dans le comté de Kamouraska : les Chapais de Saint-Denis-de-Kamouraska et les Letellier de Saint-Just à Rivière-Ouelle. Défait aux élections en décembre 1851, le notaire Luc Letellier de St-Just (1820-1881) accuse son rival Jean-Charles Chapais (1811-1885) d’avoir corrompu les citoyens en leur « donnant de grandes quantités de farine, pain et lard, boissons, liqueurs spiritueuses, et autres provisions ». C’est à cette époque justement où l’expression pots de vin prend tout son sens.
En 1854, la rivalité entre les deux candidats prend des proportions inattendues. À Sainte-Anne-de-la-Pocatière des partisans de Chapais « armés de bâtons, de cailloux et de fusils » auraient maltraité et battu les partisans de Letellier et même jeté par la fenêtre d’un bureau de vote son représentant.
Au terme d’une enquête, l’Assemblée législative démontre que des représentants et des partisans de Letellier de St-Just sont à l’origine d’un complot visant à transformer les listes électorales à Rivière-Ouelle. Joseph-Magloire Hudon est alors accusé d’avoir fait voter des habitants de Saint-Jean-Port-Joli et de Saint-Roch-des-Aulnaies au bureau de vote de Rivière-Ouelle.
L’enquête montre aussi que des actes de violence ont été perpétrés dans les bureaux de vote de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, de Saint-Denis et du canton Ixworth par les partisans de Chapais. En réaction aux manœuvres frauduleuses des partisans de Letellier à Rivière-Ouelle, les listes électorales de ces paroisses ont été considérablement modifiées avec des noms fictifs.
Le 29 novembre 1854, l’élection dans Kamouraska est annulée. On découvre que Chapais ne pouvait se présenter comme candidat puisqu’il était rémunéré par la Couronne comme maître de poste. Par ailleurs, la preuve n’a pas été faite que Chapais et Letellier ont été les instigateurs de la corruption et des violences perpétrées dans les bureaux de vote lors de cette élection.