Après un avril prometteur, le ciel est – littéralement – tombé sur la tête des agriculteurs de toute la province. Dans nos régions, les impacts sont réels, mais raisonnables.
Les problèmes ont commencé dès l’hiver 2012. Après un dégel qui a détrempé les champs, le froid intense s’est abattu sur les cultures pérennes (les fourrages, les fraises, etc.), en asphyxiant une bonne partie sous une épaisse couche de glace. Selon M. Guy Durivage, directeur à la Financière agricole, les pertes ont été assez sérieuses, si on se fie aux réclamations présentées par les agriculteurs, quoique difficiles à chiffrer pour l’instant. Un producteur de Saint-Pacôme, M. Bernard Bérubé, a évalué ses pertes à environ 50 % pour le foin et la luzerne.
Bon pour le sirop, hasardeux pour le reste
Un printemps en dents de scie est ensuite venu mêler les cartes. Le réchauffement progressif au mois d’avril a permis aux acériculteurs de produire une quantité record de sirop d’érable d’excellente qualité. Avec un total de 120 millions de livres de sirop, le record de l’année 2009 (109 M de livres) a été proprement pulvérisé. La réserve anticipée après les ventes du printemps se chiffre à 80 millions de livres de sirop.
Ce mois d’avril et la première semaine de mai ont été si beaux que plusieurs agriculteurs se sont laissés tenter par des semis hâtifs. Mal leur en prit. Dès le 9 mai, la météo a oublié que le printemps était là. Pluies abondantes et froids inusités ont mis à mal la levée des semis. De nombreux champs ont été tout simplement noyés et les autres ont connu une levée inégale et de piètres qualités. « Nous avons dû reporter la date limite des semis assurables au 15 juin pour le blé, le soya et le canola, et au 24 juin pour l’orge et l’avoine, indique M. Durivage. Certains agriculteurs ont pris le risque de resemer même après ces dates pour tenter de sauver leur mise, mais c’est à leurs risques. »
Il a aussi été très difficile d’entrer dans les champs avec la machinerie, tellement le sol était détrempé. Mme Claire Beaulieu, de l’UPA de la Côte-du-Sud, rappelle que la situation était bien différente l’an dernier : « En 2012, les tracteurs étaient dans les champs dès le mois d’avril. C’était une année exceptionnelle. Cette année, ils n’ont pas pu le faire avant la fin mai et même le début de juin pour certains. À Saint-Denis, par exemple, des agriculteurs se sont retrouvés embourbés et à Saint-Marcel, il a été impossible de dérocher en tracteur, il a fallu le faire à pied et en VTT. »
Guy Durivage évalue le retard global pour les cultures à environ une semaine. « On ne peut pas se baser sur 2012, où la saison était vraiment précoce, mais on constate qu’au 2 juillet, seulement 30 à 50 % de la première récolte de foin a été effectuée. Les rendements sont inférieurs à la normale, tant en quantité qu’en qualité, avec un taux en protéine plus bas, notamment à cause du froid.
Les producteurs de miel ont aussi connu un réveil brutal, constatant une mortalité d’environ 30 % du cheptel d’abeilles au sortir de l’hiver. « C’est difficile de départager les effets du gel et ceux de ce qu’on appelle le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles, mais après une année 2012 qui a connu des rendements inférieurs à la moyenne, 2013 commence difficilement pour les apiculteurs », note M. Durivage.
Quoi attendre de la saison 2013?
Ce début de saison décevant laisse-t-il présager une année difficile pour les revenus des agriculteurs? Peut-être pas. Selon Bernard Bérubé, « les rendements à la baisse feront monter les prix du foin; ceux qui auront réussi à récolter pourront en tirer un bon prix, ce qui compensera un peu les pertes. »
Monsieur Bérubé ajoute : « Pour les producteurs qui diversifient leurs cultures, ça sera peut-être plus facile. L’ail a bien profité du beau temps en avril et si les petits fruits sont un peu en retard, on devrait tout de même avoir des rendements satisfaisants. »
Bref, il faudra compter sur un été meilleur que le printemps et croiser les doigts. Le retour du beau temps dans la première semaine de juillet est peut-être de bon augure.