Récemment, lors du dernier Conseil national du Parti Québécois ayant eu lieu à Drummondville, le chef de la formation souverainiste Paul St-Pierre Plamondon y est allé de plusieurs déclarations fracassantes, notamment en affirmant que le Canada de Justin Trudeau tentait d’effacer le Québec. Il n’en fallait pas plus pour qu’une multitude de commentateurs qui peinent à cacher leur allégeance fédéraliste montent aux barricades afin de dénoncer ce crime de lèse-majesté.
Mais qu’a dit au juste PSPP pour s’attirer les foudres des tenants du statu quo et de la génuflexion volontaire? Rien, sauf la vérité, soit des faits historiques! Est-ce ainsi mentir ou s’inventer des lubies que de rappeler les exécutions et les déportations survenues après les rébellions de 1837-1838, la déportation des Acadiens et l’interdiction d’avoir de l’éducation en français, ainsi que de se rappeler que dans toutes provinces canadiennes, les francophones ont été assimilés, et que c’est ultimement ce qui attend le Québec?
Même localement, on pourrait ramener à la mémoire collective les crimes des troupes britanniques qui incendièrent environ un millier de bâtiments en Côte-du-Sud, en représailles contre les habitants qui avaient défié l’ordre du général James Wolfe leur enjoignant de ne pas prendre les armes. Mais nous étions en guerre, me direz-vous…
Il semble toutefois que pour plusieurs, voire même pour une majorité de Québécois, tenir un tel discours est un geste radical, alors qu’en réalité, il ne s’agit que de l’histoire du Canada. La devise des Québécois est « Je me souviens ». Mais soyons sérieux, on se souvient de quoi, au juste? Comme l’affirmait naguère Jacques Parizeau : « Vous savez pourquoi on n’enseigne pas beaucoup l’histoire dans les écoles? C’est parce que ça forme des souverainistes! »
L’assimilation tranquille
L’histoire du Canada démontre pourtant, et preuves à l’appui, que les Français du Canada sont en recul depuis la conquête anglaise qui s’est officialisée lors de la signature du Traité de Paris, soit le 10 février 1763. La Nouvelle-France devint en effet une possession britannique, laissant les 60 000 à 70 000 habitants francophones sans l’appui de leur mère patrie.
Cet abandon a jadis marqué la population canadienne-française, et marque par ailleurs toujours l’inconscient des Québécois. Qui plus est, Napoléon renonça à la dernière part de l’empire français en Amérique lorsqu’il vendit la Louisiane aux États-Unis. Ce retrait total de la France sur le continent américain s’avéra en effet très difficile au plan émotionnel pour les Canadiens français, qui à l’époque peinaient à l’accepter. Cette histoire a forcément fait jaillir une amertume qui, malgré l’épreuve du temps, est toujours perceptible envers les Français dits de France.
Après le rapport de Lord Durham, les deux Canada sont fusionnés en une seule colonie, la Province du Canada, par l’Acte d’Union de 1840. N’oublions pas que l’objectif avoué de cette mesure était d’assimiler les Canadiens français, afin de réduire les tensions dans la colonie après la révolte des Patriotes (1837-1838). Ainsi, les francophones passaient d’une majorité de 76 % à 58 %, ce qui signifiait que ladite majorité française allait se réduire davantage, car la seule immigration autorisée à l’époque était celle décidée par la Grande-Bretagne. Ensuite, à la création de la Confédération canadienne en 1867, seulement 50 % de la population du Canada était toujours francophone. Par contre, au référendum de 1995, ce nombre était passé à 25 %, et désormais, nous ne sommes que 22,8 % de francophones au Canada, dont la majorité demeure au Québec. Comme le dit l’expression bien connue, ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que le déclin du français est bel et bien un fait au Canada, mais encore pire, que cet état de fait est de plus en plus perceptible dans la Belle Province. Au Québec, rappelons-le, 74,8 % des habitants sont désormais francophones.
D’ailleurs, Montréal, qui était considérée dans un passé pas si lointain comme étant la deuxième plus grande ville française au monde, ne peut manifestement plus convoiter ce titre, puisque dorénavant, sur l’île, le poids de la majorité francophone n’est que de 44 %. Le français recule également dans plusieurs autres régions du Québec, de sorte que si la tendance se maintient, avec le flot migratoire non contrôlé imposé par Ottawa, le Québec ne représentera plus que 15 % du Canada dès 2070. Évidemment, lorsqu’un chef souverainiste parle de ces tendances en rappelant des faits historiques et indéniables sur le recul du français au Canada et au Québec, il se voit taxer d’agiter les épouvantails à corneilles! Comme le disait Pierre Falardeau, « on va toujours trop loin pour ceux qui vont nulle part ».
Au Québec, à partir de 1960, nous avons entamé ce qu’on appelle aujourd’hui la Révolution tranquille. Comme le dit le politologue Christian Dufour, « étant le peuple conquis le plus confortable de la planète », nous n’avons connu que peu de guerres sur notre territoire, et avouons-le, nous vivons dans une certaine aisance. Il n’en demeure pas moins que les faits sont inexorables, car on se fait assimiler, certes tranquillement, mais sûrement. Ainsi, lorsque le chef péquiste estime que l’indépendance est une question de survie de la nation, il a tout à fait raison.
Abandonnerons-nous donc notre héritage français qui a réussi à se perpétuer contre vents et marées pendant plus de 400 ans au profit d’un néocolonialisme canadien multiculturaliste à tendance mondialiste, ou bien chercherons-nous à rebâtir l’unité autour du lys, afin d’assurer la pérennité de notre nation française? Oui, que vous le vouliez ou non, un Québécois est un Français d’Amérique du Nord, ce que le général de Gaulle avait par ailleurs compris avec perspicacité, et ensuite révélé lors de son voyage au Québec dans le cadre de l’Exposition universelle de Montréal en 1967, bien qu’on parlât davantage à cette époque des Canadiens français, ou des Français du Canada comme l’affirmait de Gaulle.
Maintenant, il serait bon de faire mentir Christian Dufour qui constate malheureusement dans son dernier livre que les Québécois préfèrent la sécurité à la liberté. Mais pour y arriver, nous devons absolument faire appel au devoir de mémoire, afin de comprendre les enjeux du présent. Oui, PSPP a eu raison de nous rappeler notre histoire collective, puisqu’il s’agit également de notre avenir!