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Un bistro, un chef et du phoque

KAMOURASKA – Depuis quelques semaines, les médias font grand cas des menaces de mort qu’ont reçues les propriétaires du Bistro Côté Est de Kamouraska. Perle Morency et Kim Côté ont été submergés par une de ces tempêtes que les médias sociaux savent si bien déchaîner. C’est un chef ébranlé, mais stoïque qui a accordé une entrevue au Placoteux vendredi dernier.

Rappelons les faits. Au menu du Bistro Côté Est, il y a le Phoque Bardot burger. Ce clin d’œil un peu impertinent – Kim Côté l’admet volontiers – a soulevé la colère d’un groupe d’activistes environnementaux français qui s’oppose à la chasse aux phoques, le DAPN (Défendre les animaux et protéger la nature).

Le 13 septembre, ce groupe a mis en ligne une photo du menu du bistro, dénonçant la soi-disant « viande de bébés phoques matraqués ». Il n’en fallait pas plus pour que la page Facebook du Côté Est soit inondée de messages haineux, allant jusqu’à des menaces de mort.

« Au début, raconte Kim Côté, ça a été la panique. On a tenté de gérer la situation, mais il a fallu fermer notre page Facebook, ça devenait insoutenable. » Les propriétaires ont contacté la Sûreté du Québec, sans toutefois porter plainte, rassurés par les policiers sur la légitimité de leur situation. Un mois plus tard, des médias français ont repris l’histoire et elle a fait boule de neige : Libération, Radio-Canada, le National Post, le Journal de Montréal, les hebdos régionaux, des blogues, des chroniques restaurants relatent la controverse. En quelques jours, Google dénombre 143 000 références sous Phoque Bardot burger.


Bistro Côté Est de Kamouraska est situé dans l’ancien presbytère

Questions/réponses  avec Kim Côté

Votre décision de servir du phoque a-t-elle été prise dans le but de promouvoir cette viande?

(KC) Bien sûr. C’est un ami des Îles-de-la-Madeleine qui m’a fait découvrir la viande de phoque et j’ai adoré ça. Il y a peu de demandes, c’est donc assez difficile de s’en procurer, mais grâce à Bernard Lauzier, j’ai pu en faire venir des Îles. J’avais le goût de la faire connaître. La chasse au phoque fait partie de notre culture, la ressource est abondante et très bien gérée, il n’y a aucune raison pour ne pas faire la promotion de cette viande.

Pourquoi le Phoque Bardot burger?

(KC) Les anti-chasse mal informés m’énervent un peu. Phoque Bardot, c’était une façon de dire « oublions Brigitte Bardot et mangeons du phoque! ». Depuis 1987, la chasse au blanchon n’existe plus. Il y a sûrement de meilleures causes à défendre que de priver les chasseurs québécois d’une source légitime de revenus.

Aviez-vous évalué la possibilité d’une réaction aussi forte?

(KC) Pas du tout. Les Européens qui viennent au bistro sont nos meilleurs clients pour ce burger!

Comment avez-vous réagi quand les médias ont pris le relais?

(KC) C’est devenu très accaparant, ça gruge beaucoup de notre temps. Avec Perle, nous avons décidé d’arrêter les entrevues et de nous consacrer à ce que nous faisons le mieux : nourrir le monde.

Et garder le phoque au menu?

(KC) On est en réflexion. D’un côté, nos clients aiment l’idée de défendre la cause, mais il faut voir si on veut devenir des porte-étendard. J’incite souvent mes confrères-cuisiniers à découvrir le phoque et nous avons beaucoup d’appuis.

Cette aventure est arrivée à la fin de la saison touristique. Avez-vous tout de même senti un impact sur l’achalandage?

(KC) Hier midi, le restaurant était plein et tout le monde a mangé du phoque. Hier soir, même chose. Je ne peux pas nier que le buzz autour du bistro a prolongé notre saison. Les gens sont là pour nous appuyer, c’est le beau côté des choses.

Sur le plan personnel, comment vous en sortez-vous?

(KC) Épuisés! L’été, nous travaillons 80 heures par semaine. Ce stress-là a ajouté à la fatigue et on a besoin de repos. Nous ne sommes pas très inquiets des menaces; un restaurateur ayant vécu la même situation nous a confirmé que ceux qui crient le plus fort passent rarement aux actes, surtout ceux qui se défoulent sur Internet. J’ai créé le Phoque Bardot burger, je l’assume et je vais certainement continuer à en servir… Sous un autre nom, peut-être? J’hésite… Quand la tempête sera finie, on pourra réfléchir. Une chose est certaine, c’est une crise lourde à gérer, mais on va passer à travers.

Au bout du compte

Kim Côté et Perle Morency auront encore quelques soubresauts de la tempête à affronter. À peine l’entrevue terminée, le téléphone sonne : un autre média sollicitait une déclaration du bistrotier. Tout le monde veut comprendre. Au bout du compte et bien malgré lui, Kim Côté aura peut-être été à l’origine d’un regain de popularité de la viande de phoque au Québec.