Le 22 octobre prochain, à l’instar de mes six conseillers municipaux, je devrais perdre un beau samedi en famille, pour aller me faire dire comment refuser une enveloppe brune. Je dis bien « devrais », car je n’irai pas. Ne vous en déplaise monsieur Charest et toute votre suite.
Je n’irai pas d’une part, parce que vous ne la suivrez pas vous même. Semble-t-il que parce que vous siégez à l’Assemblée nationale, la loi vous y soustrait. En fait, vous devez maintenant vous reporter, m’a-t-on dit, à un code d’éthique. Mettons, mais sans vouloir être cynique monsieur Charest, puis-je penser que vous ne l’avez pas lu? Pourquoi ce double standard? Un élu est un élu, non? De surcroît, vous gérez un budget de 62 MM$, alors que moi, il avoisine les 600 000 $ annuellement; sérieusement, qui de vous ou moi devrait la suivre en premier?
D’autre part, je n’irai pas aussi en raison de votre entêtement à nier que notre belle province est contaminée à l’os par la corruption dans la construction et, par ricochet, par le financement occulte des partis politiques qui semble en découler, via les fameux extras. Avouez qu’il est extrêmement louche de vous voir ignorer le souhait de 80 % de la population qui demande cette enquête publique, alors que vous avez été élu avec un peu plus de 3 électeurs sur 10! On ne vous demande pas de la payer pourtant! Et en bout de ligne, si nous avons tous tort, eh bien, vous aurez la permission de rire de 5,6 millions de citoyens, ce qui n’est pas banal avouons-le.
M. Charest, de grâce, enlevez votre costume en latex moulant du PLQ, et mettez votre chienne d’ouvrage cette fois-ci. De votre côté, citoyens, mettez de la pression sur vos députés libéraux; je ne peux croire qu’ils sont tous à l’aise avec cette ligne de parti protectionniste pour eux, mais dévastatrice pour la collectivité. Au chapitre des dépassements de coûts, on semble parler de milliards annuellement! En tant que maire depuis 10 ans, ce que je vois et entend depuis 2 ans, me donne envie de vomir. Pour être honnête, monsieur Charest, malgré ma grande naïveté, jamais je n’aurais pensé voir, de mon vivant, le danger actuel auquel fait face notre belle démocratie si enviable. Je suis très inquiet. Dans ce contexte, vous vous doutez bien que la population n’appuiera jamais votre Plan Nord; imaginez les dérives financières possibles associées à ce projet. Une chose est certaine monsieur Charest, si vous persistez, vous passerez inévitablement à l’histoire… mais pas pour les raisons que vous auriez souhaitées!
En marge de mon geste, cependant, je ne souhaite pas que mes conseillers suivent mon exemple. Je leur ai dit d’ailleurs. De la sorte, notre belle petite municipalité en santé risquerait de tomber sous tutelle, au grand désarroi de nos citoyens si fiers, développeurs, constructifs et rassembleurs. En guise de suite, si j’ai bien lu la loi 109, je serai suspendu sans rémunération pendant 90 jours, mais pas avant juin 2012. Au-delà de ce purgatoire, je suppose que je serai banni à vie de ma charge de maire. Je le présume, car le projet de loi n’est pas clair à ce sujet. Peu importe, je vivrai avec. Au fond, j’aurai probablement fait 11 ans au lieu de 12, dans mon cas, toute ma quarantaine! Pour un gars qui n’avait pas prévu faire de politique, c’est quand même pas mal.
Question d’en remettre, si les conseils municipaux adoptent votre code d’éthique en décembre, réalisent-ils qu’à la fin de leur mandat, et ce, pendant un an, ils ne pourront occuper un poste d’administrateur ou de dirigeant d’une personne morale! Monsieur Charest, comme maire à 4 100 $ par année – imposable aux deux tiers -, il est impensable pour moi d’accepter ceci. Étant un dirigeant d’OBNL dans la vie de tous les jours, je vivrai de quoi pendant l’année en question? Comme nombre d’élus au Québec, je n’aurai pas accès à votre prime de départ démesurée, ainsi qu’à votre pension à vie injustifiable. Étant entré par la grande porte en 2001, j’aurais préféré quitter en empruntant la même, mais bon…
Une enquête publique sur l’industrie de la construction et sur le financement des partis politiques, ça presse!
Sylvain Roy, maire… en sursis
Saint-Joseph-de-Kamouraska
L’auteur de ces lignes est également directeur général de la Fondation Centraide KRTB-Côte-du-Sud,

