« Repose en paix, fils de Kamouraska-Témiscouata » – Jean Charest

LA POCATIÈRE – Voici le discours intégral du premier ministre Jean Charest, livré samedi dans le cadre des funérailles nationales de l’ex-ministre Claude Béchard, à la cathédrale de La Pocatière.

Chère Mylène,
Les filles de Claude: Béatrice et Justine,
Les enfants de Mylène: Charles et Marianne,
Nancy, la mère de Béatrice et Justine,
Membres de la famille, amis et collègues de Claude,

Claude me parlait souvent de Kamouraska-Témiscouata.

La première fois que je l’ai rencontré, c’était en 1998, après sa première élection comme député.

Le 14 avril 2003, lorsque nous avons remporté l’élection générale et que je l’avais eu au téléphone… il m’avait parlé de Kamouraska-Témiscouata.

Et encore quand il a été nommé ministre, et encore les centaines de fois où nous nous sommes rencontrés… et jusque dans ses tout derniers jours.
Il parlait encore de son coin de pays.

Il aimait profondément les hommes et les femmes de sa région du Bas-Saint-Laurent.

Il a servi pour vous.

Vous étiez aussi sa famille.

Nous étions ensemble pour l’inauguration du Parc national du Témiscouata. Une de ses réalisations les plus chères. Je me souviens que vous veniez vers lui la main tendue… pas en disant «M. Béchard» et encore moins «M. Le Ministre»!

En lui disant simplement: «Salut Claude».

C’est ce qui le rendait le plus fier. C’était son bonheur. Juste «Claude». Claude qui se bat pour Kamouraska. Claude qui est toujours là pour les hommes et les femmes de son coin de pays.

Claude était lié à Kamouraska-Témiscouata par la naissance, par la famille, par le coeur, par son travail et par sa passion pour la politique.

Claude vivait pour les autres et trouvait sa joie dans celle des autres.

Depuis ce jour de 1998 où il a accepté de présider ma campagne à la direction de notre parti, une amitié s’est installée entre nous. De ces rares amitiés que peut offrir une vie; une amitié fraternelle. Un cadeau de la vie.

Je me suis abreuvé à son énergie, à son enthousiasme et à sa combativité.

J’ai trouvé réconfort dans la chaleur de son amitié. Avec lui, nous étions capables de nous moquer des jours difficiles et de trouver à rire lorsque le temps était gris.

Claude était un homme heureux.

Et je sais où il puisait son bonheur.

C’était dans l’amour qu’il avait pour vous, Justine et Béatrice.

Dans l’amour qu’il avait pour toi, Mylène, et pour tes enfants Charles et Marianne.

C’est avec cet amour pour guide et lumière qu’il a combattu la maladie pendant deux ans.

Pendant deux ans, la maladie marchait dans ses pas, menaçant toujours de le rattraper.

Son combat, il l’a aussi mené avec les gens de Kamouraska-Témiscouata, avec des milliers de Québécois qui dirigeaient vers lui leurs pensées et leurs prières, avec ses collègues de tous les partis.

Claude a fait beaucoup de bien.

Malgré ses craintes et sa propre douleur, il aura vécu sa maladie en se tournant encore une fois vers les autres.

Il a accepté plusieurs fois de parler de sa maladie, d’offrir son énergie et son espoir en partage à tous ces autres qui comme lui luttaient pour leur vie.

Il a aidé des milliers de personnes à se battre pour voir demain.

Après chacune de ses entrevues, les Québécois lui exprimaient leur appui et leur affection dans des avalanches de lettres et de courriels.

On a fait la bataille avec toi, Claude.

Vous savez combien il aimait la politique.

Malgré son jeune âge, il aura passé 13 ans à l’Assemblée nationale. Notre Parlement était devenu sa deuxième maison.

Il aimait la joute politique. Il aimait les débats. Il aimait ses adversaires. Il aimait même les journalistes. Je me souviens de l’ovation qu’il a reçue de ses collègues parlementaires lorsque, à la surprise de tous, à la fin de la dernière session, il est revenu à l’Assemblée nationale.

Puis, au mois d’août, après une réunion du Conseil de la fédération, dans l’avion qui nous ramenait de Winnipeg, nous avons longtemps parlé.

Je lui ai dit que je me préparais à changer les responsabilités dans mon conseil des ministres.

Je lui ai dit que je voulais qu’il en ait moins, pour qu’il puisse se reposer un peu. Mais Claude insistait pour continuer.

Je trouvais qu’il en avait trop. Il trouvait qu’il n’en avait pas assez.

Je voulais qu’il ralentisse. Il voulait continuer.

Je lui ai dit: «Claude, avant la politique, il y a la vie.» Il m’a répondu: «Ma vie, c’est la politique.»

Cet homme au talent exceptionnel, à 41 ans, avait dirigé six ministères. Il laisse aux Québécois un héritage important.

Il a changé la vie des familles du Québec avec le programme des congés parentaux.

Il a combattu l’exclusion sociale avec la première politique de lutte contre la pauvreté.

Il a contribué à mettre le Québec sur la voie du développement durable en livrant un plan de lutte contre les changements climatiques reconnu comme un des meilleurs au monde.

Il a mis à jour la politique économique du gouvernement, redessiné l’avenir du secteur forestier et lancé les travaux d’une nouvelle politique agricole.

Il nous laissera le souvenir d’un homme heureux, profondément épris des gens qu’il aimait et passionné par son coin de pays.


Le premier minsitre à son arrivée à la Cathédrale de Sainte-Anne
Photo: Maurice Gagnon

Claude n’est plus.

Mais longtemps, ceux qui ont eu le privilège de partager sa route regarderont au ciel en quête d’inspiration.

Et longtemps résonnera dans la tête de ceux qui l’ont aimé le rire d’un homme qui incarnait la soif de vivre. Claude, tu vas nous manquer.

Continue de veiller sur ceux que tu aimes: tes filles Béatrice et Justine, Mylène, Charles et Marianne, ta famille, les hommes et les femmes du Bas-Saint-Laurent et tout le Québec.

Repose en paix, fils de Kamouraska-Témiscouata