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Les Cercles de fermières dans l’objectif d’Annie St-Pierremaurice_gagnon20140416

Annie St-Pierre a grandi entre Saint-Pascal, sa ville natale, Saint-Pacôme et Rivière-du-Loup avant de s’installer à Montréal où elle mène une prolifique carrière de cinéaste-documentariste. Elle vient de réaliser « Fermières », un film qui nous fait découvrir avec authenticité la passion de ces femmes, porteuses de tradition.

Soir de première. Assis sur un fauteuil de velours rouge du cinéma Le Clap de Sainte-Foy, je découvre qu’Annie et moi avions pratiquement été voisins lorsqu’elle vivait à Saint-Pacôme. Même convaincu de l’avoir déjà vue quelque part – peut-être à la télé – je dois avouer que je ne la connaissais pas. Pourtant je connaissais, pour les avoir vus, quelques-uns de ses films. Par exemple, c’est elle qui a réalisé six making of, dont « Moi aussi je m’appelle Gabrielle », « Monsieur Lazhar : De la scène à l’écran » et « Les invincibles ».

Depuis 2003, elle a aussi réalisé six courts et moyens métrages documentaires. Sa première réalisation, « Jean-Pierre Ronfard : sujet expérimental » en 2003, lors de sa dernière année d’études en cinéma à l’UQAM, a été sélectionnée aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal et aux Rendez-vous du cinéma québécois. Il figure parmi les rares films étudiants à avoir tenu l’affiche du cinéma Parallèle (Excentris) en programmation régulière.

« Migration amoureuse », un documentaire intimiste coproduit avec la France et la Belgique, mérite en 2007 le Prix du meilleur espoir documentaire Pierre et Yolande Perrault aux Rendez-vous du cinéma québécois, avant d’être projeté dans plusieurs festivals internationaux.


La productrice Élaine Hébert et la réalisatrice Annie St-Pierre.
Photo: Maurice Gagnon

Premier long métrage

« Fermières » est son premier long métrage documentaire. Il a été présenté comme film de clôture aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal en 2013. Il nous fait découvrir le quotidien de femmes impliquées dans les Cercles de fermières. Le film prendra l’affiche le 18 avril et, au début mai, dans les salles de cinéma de la région.

« Fermières » est produit par micro_scope, la société de production derrière les longs métrages « Incendies » de Denis Villeneuve et « Monsieur Lazhar » de Philippe Falardeau.

Comment une fille de 33 ans – à qui on en donnerait 23 – et qui vit en ville en est-elle venue à s’intéresser aux fermières au point de leur consacrer quatre années de travail ? La question fait rire Annie St-Pierre. Puis elle me parle de sa grand-mère, Marie-Paul. « Je voulais savoir ce qu’était cette association si importante pour elle », répond la cinéaste.

Annie s’est glissée dans les Cercles de fermières. Elle a filmé des femmes dans leurs gestes quotidiens, capturant un moment magique ou un dialogue savoureux. Elle en a fait une ?uvre intimiste et remarquable. Elle ne voulait pas que son film soit didactique. L’histoire y est effleurée. Annie St-Pierre nous montre ce que cela représente d’être membre d’un Cercle de fermières en faisant partie de leur univers.

« C’étaient de vraies rencontres. Les femmes ont accepté généreusement de se faire filmer. Elles m’ont fait confiance », raconte la cinéaste. Le documentaire, dit-elle, ce n’est pas du reportage, c’est du cinéma.

Thérèse Garon

Le film s’articule autour de quatre participantes : Yolande Labrie, présidente provinciale des Cercles de fermières, Francine J. Lacroix, du Cercle de Saint-Eugène-de-Guigues, Anne-Marie Poulin du Cercle de Cap-Rouge et Thérèse Garon du Cercle de Saint-Denis-de-la-Bouteillerie. « Mme Labrie présente la structure du réseau », raconte Annie St-Pierre. Mme Poulin nous fait découvrir l’histoire du mouvement. Mme Lacroix illustre la passion pour tout ce qui touche l’artisanat alors que Mme Garon incarne bien la transmission de la tradition.

À 86 ans, cette dernière continue de monter les métiers à tisser du local du Cercle des fermières de Saint-Denis, situé tout près de l’église. Elle est reconnue pour ses savoirs artisanaux qu’elle aimerait bien transmettre à d’autres femmes, trop occupées pour prendre la relève. « Moi, j’ai le temps parce que je suis vieille », lance celle qui, pourtant, a élevé douze enfants. Madame Garon possède aussi un véritable don pour assembler de superbes bouquets de fleurs dont elle remplit l’église et décore les fêtes du village.

Centenaire

Créés par deux agronomes du gouvernement du Québec, les Cercles de fermières auront cent ans en 2015. À l’origine, ils veulent répondre à l’exode rural en revalorisant la vie sur la terre. Ils sont d’abord là pour transmettre le patrimoine artisanal et non pour revendiquer. Le film nous apprend que ses membres étaient même opposées au droit de vote pour les femmes.

Jusque dans les années 1950, les Cercles répondent à un important besoin d’éducation des femmes à la campagne. « Cet engagement dans le domaine public valorisait leur rôle au sein de la société et brisait leur isolement. Ça leur donnait une position sociale », selon Annie St-Pierre. Cette association se veut apolitique et permet, dit-elle, que des femmes de tous les horizons y trouvent leur place.

Toujours là

Entre 1945 et 1970, les Cercles de fermières grimpent à la tête des associations féminines avec près de 50 000 membres. Au cours des années 1980, le regroupement atteint un pic de popularité avec quelque 850 Cercles à travers la province et 75 000 membres. Encore de nos jours, elles comptent 35 000 membres et on les retrouve dans plus de 600 municipalités. Et malgré leur nom, 2 % seulement de ses membres vivent à la ferme.

Les Cercles se définissent désormais comme une « association vouée à l’amélioration des conditions de vie de la femme et de la famille, ainsi qu’à la transmission du patrimoine culturel et artisanal ».

Au moment de quitter Le Clap, j’ai repensé à toutes ces expositions de travaux d’artisanats de fermières que j’ai visitées au fil des ans dans le cadre de mon travail. Je suis convaincu que lors de ma prochaine visite, inévitablement, des images du film d’Annie St-Pierre me reviendront en mémoire. Quelque part, derrière un étalage de tricot et de broderie, je croirai entendre la voix de Yolande Labrie. Il y aura peut-être une odeur de nourriture que je croirai provenir de la cuisine de Francine J. Lacroix. Et s’il y a un parfum de fleurs, il émanera nécessairement d’un bouquet de Thérèse Garon.