La magie de l’écoute selon Michael Sheehan

Le jeudi 5 février dernier, dans le cadre de la Semaine de prévention du suicide, le Trait d’Union présentait à la bibliothèque municipale de Montmagny une conférence de M. Michael Sheehan sur la prévention du suicide devant une salle comble. 

M. Sheehan, homme très impliqué dans la cause, est venu porter un message d’espoir et a insisté sur l’importance d’être à l’écoute, de s’informer et sur le devoir d’agir. « Un de mes fils s’est enlevé la vie en 1995 », de dire dès le début de sa conférence M. Sheehan, devant l’auditoire silencieux. Ce juge à la Cour du Québec et au Tribunal de droits de la personne, maintenant retraité, s’implique corps et âme depuis plusieurs années pour briser les tabous du suicide et sensibiliser les gens à ce fléau qui fait tant de ravages au Québec.

Qui aurait cru que ce fils brillant et attentif aux autres, qui venait de terminer une maîtrise en psychologie, allait se suicider? Personne n’a vu venir la chose.

« Quand c’est arrivé, de dire M. Sheehan, moi je ne connaissais rien du suicide. À chacune des étapes qu’il a vécues [son fils], moi je cheminais sur le chemin de l’ignorance. Ça m’a coûté cher. » On ne peut rester insensible devant un aveu de ce genre.

À l’automne 1994, son fils se trouvait en état dépressif. Pour Michael Sheehan, cela était incroyable, « ça ne se pouvait pas », confie-t-il humblement. Pourtant, peu de temps après, son fils envisage une première tentative de suicide. Il écrit une lettre. Se rend jusqu’au pont de Québec pour se suicider. « Mais, heureusement, il ne le fait pas », de dire le conférencier.

À la suite de cela, son fils demeure un mois sous observation au département de psychiatrie de l’hôpital de Lévis. À sa sortie toute sa famille est convaincue qu’il est « guéri ». Un jour, son fils lui annonce qu’il a cessé de prendre ses médicaments antidépresseurs. « Je ne connaissais pas l’importance de ne pas interrompre les médicaments », de dire le conférencier, « alors je n’ai pas contacté le médecin. » Quelques mois plus tard, il s’enlevait la vie.

Être à l’écoute, se renseigner

« Si j’avais eu un petit peu de renseignements, de dire M. Sheehan, j’aurais probablement été en mesure de changer les choses ». Voilà qui est bien impressionnant venant de la bouche d’un homme aussi averti qu’un juge. Une preuve que cela peut arriver à n’importe qui et à tout moment.

« Pourquoi je vous raconte ça, de dire le conférencier, c’est juste pour vous souligner que quand on n’est pas renseigné, on n’est pas équipé pour voir qu’un proche a grandement besoin d’aide et de soutien. Si on veut poser les bons gestes, il faut savoir au moins poser les bonnes questions. » Par la suite, M. Sheehan a choisi de suivre une formation en prévention du suicide et a fait de l’écoute téléphonique. Mais il ne demande pas aux gens de faire de même. Toutefois, il insiste sur l’importance de se renseigner au sujet du suicide.

« Les gens ont beaucoup de difficulté à composer avec la détresse. Certains ne veulent  pas en entendre parler. D’autres n’osent pas en parler. D’autres n’osent pas écouter. Pas parce qu’on est du mauvais monde, de souligner le conférencier, mais parce qu’on ne veut pas se tromper ou aggraver la situation. Alors, c’est bien important pour le public de savoir qu’il ne faut pas laisser faire. »

Faisant remarquer que l’on a fait de grandes campagnes de prévention en ce qui concerne la sécurité routière, l’alcool au volant, il souligne qu’il en faut plus encore en ce qui concerne le problème du suicide.

En étant le moindrement renseigné, « on peut proposer à une personne en détresse des ressources d’aide qui existent et qui fonctionnent », d’où d’ailleurs le titre de la conférence de M. Sheehan, La magie de l’écoute.

Agir

« Il faut arrêter de penser que ça nous concerne pas. On doit porter secours à toute personne. C’est essentiel. Et c’est inscrit dans la charte des droits et libertés du Québec. » Tout le monde peut apprendre, en s’informant, à détecter les signes de détresse et à agir. 

De plus, il ne faut surtout pas se priver de demander de l’aide quand on en a besoin. « Demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais un signe de force », de lancer M. Sheehan. Pour le conférencier, il est donc très important d’accentuer les campagnes de sensibilisation au sujet du suicide. De plus, « il faut que l’on soit là, les uns pour les autres. La solidarité c’est important. Si nous nous mettons à écouter, ça pourrait devenir contagieux », de conclure, serein, Michael Sheehan.

En conclusion de soirée, Jessy Coulombe, coordonnatrice au Trait d’Union, a également rappelé que son organisme est là pour aider les gens souffrant de détresse. Eux ou leurs proches peuvent contacter le Trait d’Union. « Il ne faut surtout pas hésiter », a-t-elle insisté. On peut le faire en appelant au 418 248-4948 ou en écrivant à traitdunion@globetrotter.net.

Statistiques et ressources concernant le suicide

Au cours des dix dernières années, 13 000 personnes se sont enlevé la vie au Québec. L’Agence de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches (ASSSCA) révélait, en 2013, qu’en moyenne 75 personnes de notre région se suicident chaque année. Chaudière-Appalaches est la plus affectée du Québec par ce fléau.

« Bien que le taux de suicide soit en baisse, il s’agit d’un problème de santé publique important, car chaque décès entraîne des conséquences importantes sur les proches endeuillés, ainsi que des répercussions sur l’ensemble de la société », lit-on dans la conclusion du document de l’ASSSCA La problématique du suicide en Chaudière-Appalaches. 

En tout temps, 24 heures par jour, quiconque a besoin d’aide ou de réconfort peut appeler, sans frais, au numéro 1-866-277-3553.