CAP-SAINT-IGNACE – Jacques Thibault est un entrepreneur et un inventeur. À 71 ans, il déborde d’énergie. Il a toujours été créatif. À 13 ans, il s’est vu confier la responsabilité de la ferme familiale. Alors la débrouille et l’esprit d’entreprise, il connaît. Il a mis sur le marché le Sleeve Plus pour la tuyauterie et un mécanisme pour ouvrir des huîtres de façon sécuritaire. Portrait d’un homme ingénieux.
M. Thibault est né de Saint-Cyrille-de-L’Islet. Sa famille comptait 17 enfants. En 1956, son père achète une ferme. Ils viennent alors s’établir sur le chemin Vincelotte, à Cap-Saint-Ignace. À 13 ans il se voit confier la responsabilité de la ferme familiale. Son père, lui, continue d’exercer son métier de commerçant itinérant dans le domaine des articles de cuisine.
En 1969, il se marie avec Jacqueline Lachance, originaire de Sainte-Lucie-de-Beauregard, et achète la ferme familiale l’année suivante. Depuis ce temps, Jacqueline est une partenaire inconditionnelle dans l’aventure.
Il a conservé l’établissement durant près de 50 ans. « Quand on a vendu, en 2002, on avait une ferme laitière de plus de 100 têtes », de dire M. Thibault. Aujourd’hui, il exploite encore l’érablière, gardant ainsi une part du patrimoine.
En 1981, le couple démarre les Équipements J. L. Thibault, un commerce de machinerie agricole. Mme Jacqueline s’occupe de l’administration de l’entreprise, alors que lui, marchant un peu dans les pas de son père, vend la machinerie. « On a toujours travaillé ensemble! », de lancer Mme Lachance-Thibault, le regard brillant.
À cette époque, Jacques Thibault embauche son plus jeune frère qui voulait revenir dans la région. Ils se spécialisent alors dans la réparation de moissonneuses batteuses. Un domaine connu, puisque M. Thibault battait et moissonnait pour des cultivateurs des paroisses environnantes, depuis plusieurs années. Les deux entreprises employaient alors six personnes. Le voilà lancé pour faire travailler des gens d’ici. Et, là encore, la débrouille était reine. Il fallait souvent fabriquer des pièces pour se dépanner ou autrement difficiles à avoir. En 2002, les deux commerces sont vendus.
L’entrepreneur ingénieux
Avez-vous toujours été ingénieux? Avez-vous toujours inventé des choses? D’où ça vous vient ce côté inventif? « Je pense que quand on a une ferme, quand on est pris, ou n’importe, on est obligé d’inventer pour réparer. » C’est un autodidacte. Par contre, M. Thibault est allé visiter des entreprises en Europe et aux États-Unis, ce qui l’a bien servi.
Ses mécaniciens, eux, suivaient des cours de perfectionnement. « Pour moi, la vente c’était naturel, ajoute-t-il. En 1997, on a gagné le trophée du meilleur vendeur, pour la machinerie à foin de l’Est du Canada, de la Coopérative fédérée. »
Il a également été président de la coopérative agricole de Montmagny pendant 12 ans. C’est un peu grâce à lui si la coop existe encore, puisque, autour de 1976, il s’est opposé à la fusion proposée par la Coopérative fédérée, ce qui a permis de conserver un pouvoir local. « Je suis content de cette décision », mentionne-t-il fièrement, en bon régionaliste.
Une démonstration du Sleeve Plus. À gauche, des Clip-Eau.
Le Sleeve Plus et l’Huître-Mer
Une installation de tuyauterie de réservoir d’eau chaude mal réussie, à cause de pinces inappropriées, est à l’origine de son éclair de génie. Il décide alors de créer un outil universel pour le raccordement étanche des tuyaux : le Sleeve Plus. En fait, il a amélioré une chose existante, en créant tout de même un nouveau mécanisme, maintenant breveté. Cela n’a pas empêché les Américains de le copier, en modifiant le mécanisme. Le résultat est toutefois de piètre qualité, d’après ce qu’on a pu voir.
Les outils – en deux modèles – sont coulés à Toronto (l’industrie avec laquelle il faisait affaire à Québec a fait faillite), mais usinés localement, à L’Islet et Cap-Saint-Ignace. « Je fais aussi travailler local », dit-il. Le Sleeve Plus est vendu dans plusieurs quincailleries connues du Québec et au Canada. Localement, on en trouve chez BMR et dans les coopératives agricoles.
Quant à l’Huître-mer, c’est une sorte de fourreau, fait de deux pièces de plastique s’imbriquant l’une dans l’autre, dans lequel on insère l’huître. L’on peut ainsi l’ouvrir de façon sécuritaire, avec le petit couteau spécial en acier, bien solide. Il s’en trouve dans certaines poissonneries de Québec, mais, curieusement, pas dans la région.
M. Thibault vend aussi l’invention de l’un de ses amis. Le Clip-Eau qui est une bague en plastique cintrant une bouteille d’eau. Une fois cintrée, la bouteille est attachée à la taille à l’aide d’un mousqueton.
M. Thibault montrant les coussins rembourrés pour quads.
Coussins
En plus de ses outils, son entreprise fabrique, au siège social de Cap-Saint-Ignace, des coussins de rembourrage qui se placent sur les coffres de rangement des quads (« 4 roues »).
Le plus surprenant, c’est que la compagnie torontoise pour qui il produit ce matériel faisait auparavant affaire avec la Chine. De plus, toutes les retailles sont recyclées.
Encouragement local
« C’est malheureux de voir comment souvent les gens ont plutôt tendance à encourager des commerces de l’extérieur », de mentionner M. Thibault. « Par chance, dit-il, certains nous encouragent. »
C’est entre autres le cas de l’entreprise Prolam de Cap-Saint-Ignace qui habille ses employés chez Tybo Miniprix, siège social des Équipements J. L. Thibault inc. Il est dépositaire depuis plusieurs années des vêtements de travail « Big Bill ». Les vêtements et casquettes peuvent d’ailleurs être personnalisés au nom de l’entreprise. L’endroit est également ouvert au public.
Mme et M. Thibault. Au centre, les deux modèles d’outils Sleeve Plus et l’Huître-Mer.
Expansion
M. Thibault veut prendre de l’expansion, vers les États-Unis et le Mexique. Grâce à cela, il pourrait faire passer son entreprise de sept à une vingtaine d’employés. Il a entrepris des démarches plutôt positives auprès du Conseil de la recherche du Canada, Géo Alliance International et au ministère des Finances et de l’Économie du Québec
Bien qu’il soit optimiste, il se demande toutefois pourquoi une certaine bureaucratie régionale pose autant de contraintes aux projets d’expansion. Peut-être que les mécanismes, qui « encarcannent » les élans de gens créatifs, qui pourraient grandement diversifier et dynamiser l’économie régionale, seraient à réviser, à assouplir, laisse-t-il entendre.
En cette période électorale, où tous promettent de stimuler l’économie, peut être trouvera-t-il oreille attentive. On peut d’ailleurs le joindre au 418 246-3025 ou jl_thibault@globetrotter.net