Qu’en est-il de la robotisation dans les fermes de la Côte-du-Sud?

La robotisation de la traite dans les fermes laitières est un phénomène qui prend de l’ampleur partout au Québec. La Côte-du-Sud ne fait pas exception à la règle et des changements majeurs sont en cours sur les fermes de nos régions.

Un robot de traite est essentiellement une station aménagée à l’intérieur de l’étable, où les vaches en stabulation libre se rendent d’elles-mêmes deux ou trois fois par jour pour se faire traire. Le robot effectue la traite, nourrit la vache en concentrés et collecte au passage une foule de données sur la santé de l’animal. Le producteur est donc libéré des tâches les plus contraignantes, mais doit en revanche s’astreindre à l’analyse des données recueillies pour optimiser la régie de son troupeau. L’entreprise québécoise Milkomax a par ailleurs développé et présenté en 2013 un robot mobile (Roboleo) pour les étables à stabulation entravée.


La Ferme Jean Labrie, de Kamouraska, a été la première de la MRC à faire le saut vers la robotisation, dès 2008, avec la mise en service de trois robots DeLaval.

Implantation rapide

La technologie des robots de traite a été commercialisée en Europe à partir de 1992. Les premiers à l’importer en Amérique du Nord ont été l’Ontario, dès 1999, suivi par le Québec en 2000. L’édition de juillet-août 2014 du magazine Le Coopérateur compte plus de 300 fermes laitières ayant adopté le robot de traite, sur les 6 000 que compte le Québec, un taux de pénétration d’environ 5 %.

On constate cependant une accélération importante de l’implantation. Selon les interlocuteurs, ce taux varie de 50 à 85 % des projets de construction. Alain Proulx, directeur du point de service de Rivière-du-Loup pour la Financière agricole Bas-Saint-Laurent–Îles-de-la-Madeleine, mentionne que l’année 2013-2014 aura connu une augmentation jamais vue des projets de robotisation. « Les représentants ont une approche très intense, mais les producteurs sont aussi très intéressés, affirme M. Proulx. Ils s’informent, calculent et prennent une décision réfléchie, en fonction de leurs besoins. » Il admet néanmoins que la progression serait probablement moins rapide sans le dynamisme des vendeurs, qui font augmenter l’offre.

Investissement

L’achat d’un robot représente un investissement d’environ 300 000 $ par unité, auquel il faut ajouter 5 000 à 7 000 $ d’entretien annuel. Un robot assure la régie d’un troupeau de 60 vaches et il n’est pas rare de voir des fermes avec huit ou neuf robots, selon la grosseur du troupeau, jusqu’à plus de 20 pour les plus grandes productions. C’est donc un investissement considérable. Au Kamouraska, la moyenne est de 1,5 robot par ferme.

« La ferme moyenne au Québec compte 50 à 55 vaches [au Bas-Saint-Laurent, la moyenne est de 43], le producteur doit donc calculer soigneusement avant de prendre sa décision », affirme Alain Perras, directeur de la Financière agricole de Sherbrooke. Avec un financement accordé sur une quinzaine d’années, la décision doit être réfléchie et la gestion de projet rigoureuse.

Tous les intervenants conviennent que les fermes doivent présenter d’excellents rendements, tant en productivité que pour la gestion de l’entreprise et la régie du troupeau, pour envisager le succès de leur passage à la robotisation. « C’est toute la philosophie de gestion qui est à repenser, souligne Alain Proulx. Il est donc préférable d’avoir une situation financière saine au départ, pour pouvoir se concentrer sur la nouvelle régie à implanter, qui demande de gros efforts. »

 Quatre distributeurs, trois marques

Dans la région du Kamouraska, quatre concessionnaires assurent la distribution des robots de traite et le soutien technique nécessaire à leur implantation dans les entreprises agricoles. Il s’agit de : F. Gérard Pelletier de Saint-Pascal, qui commercialise les produits Westfalia Surge, Groupe Dynaco de La Pocatière, concessionnaire Lely, Équipements JPL de Saint-Pascal, qui distribue les produits DeLaval et; Service Agri-RD de Saint-Philippe-de-Néri pour les produits BouMatic Robotics.

 

 

Pourquoi un robot?

La décision de robotiser la traite n’est pas motivée que par le désir d’être à la fine pointe de la technologie. Devant la pénurie généralisée de main-d’œuvre agricole, l’avantage premier du robot de traite est la diminution des besoins en main-d’œuvre. Cet avantage se concrétise cependant lorsque l’entreprise dispose de plus d’une unité de traite, ainsi que le souligne Alexandre Bérubé-Beaulieu, de Groupe Dynaco à La Pocatière : « Avec plusieurs robots, on voit des économies réelles en frais de main-d’œuvre. Avec un seul robot, c’est la qualité de vie des agriculteurs qui est le principal retour sur l’investissement ».

Comme les jeunes ont entendu parler des robots dans les écoles d’agriculture, la présence de cette technologie est un incitatif puissant pour les producteurs qui désirent faciliter le transfert de leur entreprise à la relève. « Les jeunes agriculteurs accordent beaucoup d’importance à leur qualité de vie. La robotisation de l’étable peut faire une vraie différence pour un transfert de ferme réussi », affirme Alain Proulx.

Mais que fait donc le robot pour améliorer la qualité de vie de l’agriculteur? «  C’est énorme! » dit Mme Tasie Fortin, copropriétaire avec Bruno Ross de la Ferme Malenka de Saint-Joseph. La ferme, qui dispose d’un quota de 100 kg pour 66 vaches en lactation, a fait l’acquisition de deux robots Lely en 2012. « Nous sommes libérés des horaires fixes de la traite, puisque les vaches se rendent d’elles-mêmes au robot. Le temps consacré à la traite est transféré à la régie, mais c’est beaucoup moins contraignant pour nous », se réjouit la productrice. Avec trois traites par jour au lieu de deux, elle note également une augmentation de la productivité. Elle souligne aussi un bon soutien technique du distributeur, qui a permis d’assurer un transfert réussi de technologie et de régie.

On s’accorde généralement pour dire que les animaux sont plus confortables et moins stressés grâce à la stabulation libre, ce qui influe sur la santé du troupeau. De plus, en récoltant et en analysant des échantillons du lait de chaque traite, le robot peut diagnostiquer certains problèmes de santé chez les vaches. Sébastien Lajoie, des Équipements JPL de Saint-Pascal, indique que ces analyses peuvent éviter des frais importants en fournissant des diagnostics très précoces. « J’ai même vu un robot prédire l’avortement d’une vache plusieurs jours à l’avance », affirme M. Lajoie.


Les coulisses de la Ferme Jean Labrie, où le lait est recueilli en attendant la collecte.

À la conquête de l’agriculture?

Est-ce donc dire que toutes nos fermes laitières disposeront d’un robot de traite avant longtemps? C’est peu probable, selon presque tous les intervenants du milieu, compte tenu de la taille modeste des fermes au Québec. Alain Perras note d’ailleurs une nette tendance à la diversification : « On voit déjà une segmentation du marché en deux types principaux d’exploitation : les grosses fermes spécialisées et très mécanisées, avec de gros volumes et axées vers l’exportation; et les petites fermes diversifiées, qui visent une distribution locale dans des marchés de niche et la transformation ».

Certains producteurs ne verront pas la nécessité d’investir des sommes aussi importantes et préféreront faire le choix d’une agriculture de proximité. Pour les plus grandes entreprises, le robot de traite, qui permet de grossir la ferme sans augmenter la main-d’œuvre, est déjà en voie de devenir un incontournable, la norme pour l’agriculture de l’avenir.