Des « caps de roches » destinés à être rasés…

Vue sur la montagne Ronde, de la montagne du Collège à La Pocatière. Photo tirée du Facebook Ville de La Pocatière.

Pocatois, Pocatoises, fermez les yeux et imaginez un instant votre ville sans la montagne du Collège, sans la montagne ronde, sans la montagne Thiboutot (déjà rongée de moitié par une carrière…).

Ces ilots sont les ultimes refuges pour une faune et une végétation indigènes précieuses. Les arbres centenaires n’y sont plus coupés depuis longtemps, abritant une fascinante canopée ; les éperviers, buses et autres prédateurs ailés y chassent ; le petit gibier y abonde ; les enfants les explorent avec ravissement et les adultes peuvent les fouler du pied avec émerveillement, profitant à leur sommet de vues imprenables.

Mais tout cela, j’en conviens, ne se mesure pas en argent sonnant dans les coffres de la Ville.

Ce n’est pas une raison pour ne pas se lever et défendre ces monuments naturels qui ont résisté à tout depuis la dernière glaciation, et qui seront nos iles refuges si la hausse du niveau des mers en vient un jour à ennoyer la région. C’est là aussi où se réfugieront les membres du conseil municipal pour siéger les pieds au sec…

Le Kamouraska n’a pas de maisons de la Nouvelle-France à détruire, puisqu’en 1759 les Anglais en ont détruit mille sur la Côte-du-Sud à notre place. Les seuls témoins du passé qu’il nous reste, ce sont justement nos caps de roches.

Pour vous faire une idée du paysage qui résulte de leur disparition, rendez-vous à Rivière-du-Loup pour contempler ses cabourons rasés, nivelés et convertis en immeubles à revenus bien asphaltés. Bien sûr, la ville a tenté de compenser en aménageant un parc central urbain parfaitement rectangulaire et rectiligne avec de la pelouse et des œuvres d’art très tendance en plastique et en inox, mais plus de forêt, plus d’animaux, plus d’oiseaux, plus rien qui ressemble à quelque chose de sauvage parce qu’en ville, tout ce qui est sauvage est absolument indésirable… J’oubliais : beaucoup de pelouse, par contre, cette herbe « tolérable. »

À La Pocatière, au moment où j’écris ces lignes, des pelles mécaniques détruisent avec une redoutable efficacité une partie du cabouron situé au fond des anciens champs où le parc industriel étendra ses tentacules, derrière l’usine de Bombardier.

Il y a une dizaine d’années, la MRC avait pourtant adopté un règlement de contrôle pour la protection des cabourons de la région… Mais un détail de taille le rend inopérant ici : cette protection se limite au nord de la 20. Or, à La Pocatière, détail qui tue, la 20 longe le fleuve ! Vous avez compris : tous les cabourons de notre ville se trouvent au sud de l’autoroute, donc aucun n’est protégé.

La ville et la MRC ne disposaient d’aucune prise légale pour bloquer cette première trouée dans le paysage… Pas plus que celles à venir, donc. Le maire a tenté de me « rassurer » en me disant que les promoteurs ont seulement le droit de les raser, pas d’en faire des carrières… Quelle belle consolation ! J’en pleure de bonheur.

Ma crainte est que, sans protection, ces ilots boisés soient peu à peu morcelés, grugés, et le paysage chaque année un peu plus uniformisé, altéré et rendu insignifiant et morne comme une plaine.

La ville devrait soustraire de toute spéculation ces ilots. Elle n’en serait pas perdante tant que ça : habiter près d’un cabouron devenu public ferait augmenter la valeur (et les taxes) des résidences aux alentours, garantissant à jamais l’absence de voisins envahissants…

C’est bien beau de marcher dans les rues en brandissant des pancartes, mais s’il est vertueux de penser globalement, il est plus conséquent encore d’agir localement.

Alors, serez-vous avec moi présents pour sensibiliser nos élus à la prochaine réunion du conseil municipal, le 7 octobre, et à celle du conseil de la MRC, le 9 octobre ?

Jean-François Vallée, La Pocatière