Myriam Gagné n’a pas eu peur de s’attaquer à un sujet tabou pour son mémoire de maîtrise. Fascinée par le fait que sa grand-mère maternelle originaire du Kamouraska ait donné naissance à 13 enfants, elle a décidé de se pencher sur la sexualité des femmes kamouraskoises des années 60 à 80, à une époque où religion et contraception ne faisaient pas encore bon ménage en milieu rural.
Le résultat de sa recherche fera d’ailleurs l’objet d’une conférence le dimanche 15 mars prochain à 14 h, au Musée de la mémoire vivante de Saint-Jean-Port-Joli. Gageons que plusieurs curieux sont impatients d’entendre les conclusions de l’historienne de 25 ans sur son enquête, non seulement parce qu’il est question de sexe, mais parce que la méthodologie qu’elle a employée est celle de l’histoire orale, ce qui l’a amené à récolter le témoignage de 15 femmes du Kamouraska âgées en moyenne de… 82 ans!
« L’échantillon peut paraître petit, mais il faut comprendre qu’on parle d’une étude menée à l’échelle d’une région peu peuplée et dont le profil socioculturel et religieux de l’époque était sommes toute assez homogène », indique Myriam Gagné.
Elle a néanmoins bonifié son enquête de 14 autres témoignages récoltés il y a quelques années dans le cadre de l’exposition « Partir pour la famille » du Musée de la mémoire vivante. Toutes ensembles, ces confidences lui ont permis de tirer des constats sur le comment la contraception a été intégrée dans le quotidien de ces femmes, comment celle-ci s’est conjuguée avec leurs croyances religieuses et quel impact a-t-elle eu sur leur vie sexuelle, familiale ou maritale, car toutes les femmes interrogées devaient impérativement être mariées devant l’Église catholique pour être considérée dans l’étude.
« Ce qui ressort beaucoup, c’est l’absence totale d’éducation sexuelle chez les femmes de cette époque-là. La majorité ne savait même pas ce qui allait se passer lors de leur nuit de noces, le jour même de leur mariage! Chez les sujets plus jeunes de l’étude, qui avaient entre 60 et 75 ans et qui ont eu la chance de fréquenter les Cégeps en étudiant en soins infirmiers, par exemple, la connaissance de la sexualité était souvent plus grande à cette époque-là parce qu’elles avaient des bases en biologie humaine », résume Myriam Gagné.
Malgré l’aspect plutôt tabou du sujet, l’historienne assure ne pas avoir eu trop de difficultés à trouver des candidates intéressées à participer à son étude. Selon Myriam Gagné, l’âge vénérable de ces femmes aurait même plutôt eu l’effet inverse, les encourageant à parler sans filtre de ce qu’elles ont vécu.
« Il faut dire que leur mentalité a aussi continué à évoluer, en même temps que la société, ce qui fait que ce qui était peut-être tabou pour elles à l’époque l’est moins aujourd’hui et qu’il s’agit maintenant de concepts bien intégrés dans leur quotidien », précise-t-elle.
Myriam Gagné assure que l’anonymat et l’intégrité des femmes qui ont témoigné dans le cadre de son enquête sont préservés dans le cadre de son mémoire de maîtrise et de sa conférence. Il est d’ailleurs possible que celle-ci soit présentée de nouveau dans la région, ultérieurement.