Sauvegarde du patrimoine bâti : sur les épaules de quelques passionnés

Comité organisateur de la Semaine du patrimoine de Saint-Roch-des-Aulnaies, en 2019. Photo : Archives Le Placoteux.

La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, blâme sévèrement le gouvernement qu’elle accuse d’avoir transféré le fardeau de la protection du patrimoine bâti de la province sur le dos des municipalités. À La Pocatière, des voix s’élèvent pour s’opposer à la démolition de la meunerie et de la bergerie de la Ferme-école Lapokita par le MAPAQ. Et Ruralys, organisme basé au Kamouraska et disposant d’une expertise reconnue dans la protection, la conservation et la mise en valeur des ressources patrimoniales, s’apprête à mettre la clé dans la porte de façon définitive. Est-il minuit moins une pour la sauvegarde de patrimoine bâti dans Kamouraska-L’Islet ?

Archéologue et consultante en patrimoine, Dominique Lalande a passé les 17 dernières années à la direction générale de Ruralys. Au fil des ans elle a travaillé à l’inventaire patrimonial de plusieurs municipalités de la région, dont la sienne, Saint-Roch-des-Aulnaies, mais également d’autres ailleurs au Québec.

Si elle a pu constater plus d’une fois que le manque d’argent était souvent un frein à la sauvegarde du patrimoine bâti, elle pointe aussi du doigt le manque d’expertise au sein des municipalités. Plusieurs d’entre elles n’ont même pas de règlement de démolition, rappelle-t-elle.

« Parfois, il y a des comités consultatifs d’urbanisme, mais qui n’ont pas nécessairement les connaissances en matière de patrimoine bâti. Même chose pour les inspecteurs municipaux. Du côté des élus, le renouvellement constant qu’on constate dans certaines municipalités fait que tout est souvent à recommencer en matière d’éducation et de sensibilisation », explique-t-elle.

Des passionnés

Au final, la sauvegarde du patrimoine finit souvent par incomber à une petite poignée de gens passionnés qui tentent tant bien que mal d’en faire la promotion ou de veiller à sa sauvegarde. L’exemple de Saint-Roch-des-Aulnaies est particulièrement éloquent à ce chapitre.

Il y a une dizaine d’années, le comité culture de l’époque a eu l’idée de réaliser un livret retraçant l’historique des plus belles demeures de la municipalité. Celles-ci avaient été documentées au préalable par Ruralys, dans le cadre de son travail d’inventaire patrimonial qui devait orienter Saint-Roch-des-Aulnaies dans l’instauration d’un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) dans la zone allant du Village des Aulnaies à la place de l’Église. Le livret est depuis distribué aux touristes et fait également l’objet d’un circuit organisé en saison estivale lors de la Semaine du patrimoine tenue au sein de la municipalité depuis 2016.

Dominique Lalande estime aujourd’hui que cet inventaire réalisé dans son village en 2008 mériterait d’être refait et de couvrir beaucoup plus large afin d’englober des secteurs laissés de côté à l’époque, comme le 2e Rang. Elle croit néanmoins que ce travail a eu le mérite de semer une graine.

Outre la Semaine du patrimoine, la Municipalité a adopté en 2016 un PIIA dans l’aire patrimoniale du secteur de l’église, celle de la Seigneurie des Aulnaies et de part et d’autre de la 132 sur une bande de 60 mètres à partir de la route. Loin d’être parfait, de l’avis de Dominique Lalande, elle souligne néanmoins son adoption.

« Les retombées positives liées à la sauvegarde du patrimoine bâti sont multiples. Elles sont à la fois économiques, par le biais du tourisme et de l’augmentation de la valeur foncière des bâtiments, et socioculturelles par la préservation de l’histoire et l’amélioration de la qualité de vie. Avant de détruire, parce qu’on a laissé aller et que c’est devenu irrécupérable, il faudrait peut-être y songer davantage », conclut-elle.