M. Legault, Dubé et Carmant, nous sommes fatiguées ! Fatiguées de nous battre pour une reconnaissance qui ne vient pas. De quêter pour réussir à accomplir notre mission. De toutes ces redditions de comptes. De voir partir notre personnel pour le Réseau faute de salaires décents. De voir les piliers de nos organisations tomber en burnout. De se justifier devant vous et devoir recommencer à chaque changement de ministre et/ou de fonctionnaire.
M. Carmant, en 2018, lors de votre première prise de parole publique lors d’un de nos événements, vous avez affirmé que votre gouvernement allègerait la reddition de comptes du communautaire et veillerait à le financer adéquatement. Rapidement, nous avons demandé une rencontre avec la ministre de la Santé et des Services sociaux (SSS), Mme Danielle McCann, que nous avons obtenue. Elle-même a confirmé notre important retard de financement, notamment dans l’indexation de la subvention PSOC des dix dernières années durant lesquelles nous n’avons bénéficié d’aucun rehaussement adéquat.
Fin 2019, nous vous demandions une seconde rencontre, prévue pour la fin de l’hiver. Durant cette période, nous y avons cru. Nous avons eu espoir qu’enfin un gouvernement se préoccupait des groupes communautaires. Votre écoute, votre proximité et votre support, on y croyait. Triste est de constater qu’aujourd’hui, malgré le changement, rien ne change. Voilà qu’en mars 2020 une pandémie nous tombe dessus. Tout ferme et on nous demande d’être des services essentiels. Nous répondons présents. Vous annoncez des primes COVID pour les services essentiels, jusqu’au commis d’épicerie. Belle initiative. De notre côté, le fond d’urgence se fait attendre et, selon certains CISSS, il n’est pas possible de l’attribuer à des primes salariales : deux poids, deux mesures.
Notre précarité est grandissante, car qui dit pandémie dit activités d’autofinancement suspendues, essoufflement, peur d’être un foyer d’éclosion et de mettre en danger la santé des jeunes et du personnel. Pourtant, « nous tenons le fort ». Soudain, M. Legault nomme M. Dubé comme nouveau ministre. On recommence notre manège ! Maintenant, c’est le ministre délégué, M. Carmant, qui prend en charge le mandat des organismes communautaires financés par le MSSS : nous demandons à le rencontrer et discutons avec les nouveaux fonctionnaires.
M. Carmant, vous avez rencontré plusieurs groupes communautaires, et c’est parfait, mais pas le Regroupement des Auberges du cœur du Québec. Les jeunes en difficulté, ce n’est pas vendeur. Nous sommes souvent les grands oubliés, surtout lorsqu’on parle d’itinérance. Vous avez annoncé lundi dernier 100 M$ d’investissement en santé mentale à la suite du drame à Québec. Pourquoi débloquer ces sommes seulement lorsqu’un drame survient ?
Dans les maisons d’hébergement jeunesse communautaire, l’irréparable ne s’est pas produit. Devons-nous attendre d’en arriver là ? Que par faute de financement adéquat, donc par manque de ressources humaines, une maison ferme, qu’un ou une jeune se retrouve à la rue devant ces portes closes sans connaître les suites possibles, alors que l’hiver arrive.
Nous avons relancé plus d’une fois votre bureau pour une demande de rencontre en vue d’un financement à la mission adéquat. Voici la réponse de votre cabinet obtenue lundi soir : « Après avoir retourné et retourné votre problème de financement, il nous apparait que nous ne pouvons financer davantage le Regroupement et les Auberges du cœur. Selon votre modèle d’organisation, seul le PSOC peut vous soutenir. Le MSSS ne dispose d’aucune autre aide financière qui pourrait vous venir en aide. » Pourtant, le PSOC relève directement du MSSS. Aussi, et soyez assurés, que nous ne sommes pas contre, au contraire, les maisons d’hébergement pour femmes ont un financement à la mission substantiellement supérieur au nôtre. Est-ce plus onéreux héberger une femme qu’une jeune en difficulté ?
Votre réponse s’accompagne du détail du financement des Auberges et nos chiffres ne concordent pas avec les vôtres. Vous y ajoutez même le fond d’urgence, qui est une aide non récurrente. Si le financement de l’hébergement communautaire jeunesse était adéquat, nous n’aurions pas eu besoin de ce fond. Vous nous invitez même à faire une demande au prochain fond d’urgence de 70 M$ qui sera offert sous peu. Ce n’est pas notre demande. Nous demandons l’ajout de 12 M$ récurrents à notre financement. Je dois vous dire, à mon grand regret, que l’hébergement communautaire jeunesse a testé positif à la COVID-19. La fièvre nous l’avons depuis un bon moment, l’essoufflement est très présent et certaines ressources sont déjà sous assistance respiratoire.
M. Legault, Dubé et Carmant, nous sommes fatiguées, mais déterminées.
Les Auberges du cœur du Québec