Originaire d’Andong en Corée du Sud, Jany Young, de son nom vrai nom In Young Jang, a passé les 16 dernières années de sa vie à parcourir le monde, reléguant souvent au deuxième plan le dévouement total à son art. Séoul, Paris, Montréal, les grandes métropoles du monde n’ont plus de secrets pour elle, mais c’est à La Pocatière qu’elle s’est posée il y a un peu plus d’un mois et où elle compte bien continuer à fleurir artistiquement.
Il faut dire que Jany ne serait probablement jamais débarquée dans le Kamouraska si ce n’était de son conjoint Cédrick Gagnon, un Québécois pure laine, directeur général de la Ville de La Pocatière depuis un an et demi. L’expression qui prend mari prend pays s’applique donc ici.
Il n’en demeure pas moins qu’en posant ses valises dans la région, l’artiste sud-coréenne au Québec depuis juin 2012 a le sentiment d’avoir trouvé cette tranquillité et cette paix qui a souvent fait défaut dans sa vie et qu’elle recherchait depuis qu’elle a quitté Andong. Cette « petite ville » d’un peu plus de 150 000 habitants d’où elle est originaire et qu’elle qualifie de « traditionnelle », mais pas au sens péjoratif du terme, c’est là que Jany y a découvert sa passion pour l’art oriental.
À sa sortie des classes, la vie l’a plutôt conduite à Séoul où elle s’est retrouvée à enseigner au lycée (école secondaire). Le rythme de vie effréné de la métropole sud-coréenne avec ses 10 millions d’habitants n’a pas tardé de l’épuiser, au point où elle ne s’y est jamais adonnée à son art comme elle l’aurait souhaité.
« J’avais consulté un acupuncteur, un médecin traditionaliste coréen, qui m’avait dit que je souffrais d’un stress extrême. J’ai décidé d’arrêter mon travail et de retourner vers l’art. »
Jany avait le désir d’en apprendre davantage sur les méthodes artistiques occidentales. Alors qu’elle ne parlait pas un mot français, elle a choisi de se rendre en France où elle a passé un an à apprendre la langue de Molière à l’Université de Lorraine à Nancy.
« J’étais clairement déterminée. On est plus naïf quand on est jeune », dit aujourd’hui en riant l’artiste dans la jeune quarantaine.
Le choc culturel a été intense, se rappelle Jany, et il s’est poursuivi jusqu’à son entrée à l’École des Beaux-Arts de Versailles l’année suivante où elle a dû en quelque sorte « déconstruire » ses bases artistiques orientales, en plus d’apprendre à s’affirmer « à la française » face à l’approche critique des enseignants. « Les Coréens, nous sommes plus comme les Québécois, on ne cherche pas vraiment la confrontation », poursuit-elle.
Le Québec
Jany n’avait pas prévu immigrer au Québec. Après six années passées à Paris où elle s’est enrichie d’un baccalauréat et d’une maîtrise en art contemporain et nouveaux médias, l’occasion s’est présentée au moment même où elle terminait ses études. Après quelques mésaventures de vols dans le métro parisien, Jany sentait qu’elle serait plus en sécurité ailleurs que dans la Ville lumière.
« Des amis m’ont dit qu’ils allaient déménager au Canada. C’était la première fois que j’entendais parler par eux de la culture québécoise. Dans les jours suivants, je suis passée par hasard devant l’ambassade canadienne et je suis entrée faire une demande. Quand j’ai obtenu mon certificat d’autorisation, j’avais deux semaines pour me préparer et il me restait encore une semaine à ma maîtrise. Tout s’est passé très rapidement », se souvient Jany.
Arrivée directement à Montréal, l’artiste avait encore pour objectif de se consacrer à son art. Rapidement, elle s’est retrouvée dans la même spirale que lorsqu’elle était à Séoul en travaillant à temps plein, entre autres comme graphiste.
« Contrairement à d’autres (immigrants), j’ai toujours été chanceuse et j’ai toujours trouvé du travail dans mes sphères de compétences. »
Il a fallu qu’elle attende 2018 avant de trouver l’emploi parfait, enseignante en francisation, qui lui permet maintenant de créer en parallèle, à son rythme. Depuis, elle multiplie les expositions et les prix, comme en témoigne son parcours artistique qui peut être consulté sur son site internet janyyoung.com.
« La représentation des végétaux est au cœur de mon art. En ville, le béton domine et la nature est difficilement accessible. Ici, l’environnement est inspirant et c’est possible de s’arrêter pour le contempler », explique l’artiste.
La curiosité de Jany Young est donc bien servie dans ce nouveau décor qui lui tarde d’explorer. Et avec cette paix et cette tranquillité longtemps souhaitées, l’enracinement semble aujourd’hui possible. « J’aimerais bien connaître les autres artistes de la région et, qui sait, avoir mon propre atelier de création », conclut l’artiste, la tête pleine de possibles.