L’ITAQ : protégeons l’esprit de la réforme

Benoît Garon. Photo : Maxime Paradis.

En mars dernier, l’Assemblée nationale du Québec adoptait le projet de loi 77 afin de faire de l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) une institution autonome.

Cette institution phare de la formation agroalimentaire au Québec prendra ainsi son envol hors du nid de la fonction publique et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), qui l’a hébergé pendant près de six décennies, pour devenir l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ). Cette nouvelle structure disposera de son propre conseil d’administration, de sa direction générale et d’une enveloppe budgétaire qu’elle pourra gérer avec une certaine autonomie, en accord toutefois avec les grandes orientations établies par le MAPAQ.

Le corps professoral de cette institution a réagi avec enthousiasme à l’idée de la création de l’ITAQ, dans l’espoir que cette nouvelle institution puisse permettre un mode de gestion moins hiérarchique et plus transparent que celle d’un ministère. Aux yeux des professeurs, le « carcan ministériel » évoqué par le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a trop longtemps étouffé l’autonomie professionnelle des professeurs, alors que cette autonomie est essentielle à tout enseignement supérieur. Ces spécialistes de haut niveau aspirent maintenant à la même gestion participative que l’on retrouve depuis longtemps dans les cégeps et universités.

Moins de deux mois après l’adoption du projet de loi 77, l’espoir des professeurs est cependant teinté d’inquiétude. Alors que la nomination du directeur général et du directeur des études de la future ITAQ est imminente, la perspective que ces gestionnaires soient issus de la présente structure du MAPAQ soulève de sérieux questionnements. Plusieurs redoutent qu’on transpose dans le nouvel ITAQ un mode de gestion devenu périmé, trahissant l’esprit de la réforme et hypothéquant ainsi pour longtemps le renouveau tant attendu par tous. Certaines décisions unilatérales prises récemment par les gestionnaires de l’ITA, notamment des fusions d’équipes entre des matières spécialisées et la formation générale, ont d’ailleurs contribué aux inquiétudes des professeurs. Elles ont ravivé la crainte que cet enseignement général, si important pour l’avenir de nos jeunes, se retrouve livré en commandite à des cégeps, brisant ainsi la cohésion institutionnelle indispensable à la qualité de l’enseignement. De plus, certains programmes techniques, déjà affectés par un ralentissement des inscriptions pendant la pandémie, se retrouveront encore plus fragilisés par cette fusion d’équipes.

Le ministre Lamontagne évoquait récemment à l’Assemblée nationale, avec raison, que le développement de programmes et le recrutement d’expertises seront des enjeux déterminants pour le futur ITAQ. Or, il ne faudrait pas que les gestionnaires actuels de l’ITA, juste avant la réforme, prennent des décisions qui vont dans la direction opposée de cette volonté, entraînant ainsi des pertes d’expertises dans des domaines répondant aux besoins réels de l’industrie.   Le corps professoral considère important d’alerter le milieu afin que l’esprit du projet de loi 77 et les orientations souhaitées dans celui‐ci ne soient pas compromis par des décisions prises avant le transfert prévu des pouvoirs au futur conseil d’administration. Nous devons protéger l’esprit de cette importante réforme.

Benoit Garon, représentant de l’Institut de technologie agroalimentaire, Syndicat des professeurs de l’État du Québec

Jean Vallières, président, Syndicat des professeurs de l’État du Québec