Le Kamouraska est un endroit béni des dieux, un pays fier et doux à la fois, qui fait rarement les manchettes. Un coin modeste, où la vie coule doucement. De ce pays de champs, de forêts et de cabourons, dans un village tranquille blotti autour de sa rivière, est né un musicien exceptionnel, qui a porté son inspiration depuis son église natale jusqu’aux plus grandes scènes du monde, au-delà de toutes les mers. Il s’appelait André Gagnon.
Le 3 décembre dernier, c’est le monde entier qui a porté le deuil de l’exceptionnel compositeur. Il avait des amis partout, et ses amis ont tous été touchés par son départ. Nombreux sont ceux qui ont évoqué le village de Saint-Pacôme au Kamouraska, sans rien en connaître. Aujourd’hui, c’est de l’intérieur que nous désirons rendre hommage à celui qui était mon oncle, et qui restera notre inspiration pour de nombreuses années à venir.
Un ange gardien indéfectible
En 2001, ma conjointe Doris et moi avons entrepris la création d’une auberge dans l’ancien presbytère du village. L’idée d’en faire un écrin pour souligner l’œuvre d’André Gagnon n’a pas tout de suite enchanté le principal intéressé. Une espèce de modestie ou d’humilité face à sa carrière le rendait dubitatif. Ça ne l’a pas empêché de faire tout en son pouvoir pour que notre rêve devienne réalité, en offrant ses artefacts, ses souvenirs, sa musique et sa caution morale à l’auberge Comme au premier jour. Quelques années plus tard il a déclaré, avec un brin de fierté dans la voix, qu’on avait eu raison d’y mettre autant d’énergie. Il a même dit qu’on avait fait « une saprée de bonne job ». Venant d’un homme à la carrière aussi bien remplie, cette affirmation nous a donné des ailes.
Il était comme ça, André. Toujours planant pas loin de son village, comme un ange gardien. Revenant régulièrement partager sa musique avec son monde en organisant des concerts dans l’église ou en composant un hymne à Saint-Pacôme pour son 150e anniversaire. Tendant l’oreille à nos idées parfois farfelues, comme celle de Jacques Mayer, qui voulait créer un prix littéraire portant le nom de Saint-Pacôme, ou celle de ce groupe de citoyens qui ont voulu sauver un vieux moulin historique menacé de démolition.
L’auberge Comme au premier jour a 20 ans, le moulin est toujours debout, et le prix Saint-Pacôme du roman policier en est à sa 19e édition. Il serait injuste d’en attribuer le succès à la seule influence d’André Gagnon, mais à Saint-Pacôme, on sait bien tout le poids que sa générosité et sa présence attentive ont eu dans la balance de notre motivation à dépasser nos limites.
Aujourd’hui, l’ange poursuit sa route dans d’autres sphères, une route sans doute pavée de notes de musique. Pour nous qui restons, il sera pour toujours un exemple de tous les possibles qui n’attendent que notre talent, notre travail et notre persévérance pour devenir des réalités. Et notre auberge sera là pour faire entendre sa musique et faire vivre sa mémoire.
Jean Santerre, Doris Parent et Rosalie Santerre-Parent (Auberge Comme au premier jour, Saint-Pacôme)