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Après-midi polar à Saint-Pacômeeliane_vincent20150710

SAINT-PACÔME – Les lecteurs du Placoteux sont déjà familiers avec Norbert Spehner, dont ils lisent depuis plus d’un an les chroniques sur les plus récents romans policiers. Il était de passage à la bibliothèque Mathilde-Massé de Saint-Pacôme le 4 juillet dernier pour partager avec les mordus du genre sa vision du polar.

Maurice Gagnon a présenté en juin dernier le parcours impressionnant de cet homme qui, tout en enseignant le français à des cégépiens, a été au cœur de l’émergence au Québec de la littérature de genre : science-fiction et, bien sûr, polar.

Norbert Spehner a lu et enseigné une part impressionnante de tout ce qui se publie en fait de roman policier. Il lit, il recense, il commente en collaborant à de nombreux médias. Il a eu le temps d’étudier la question sous toutes ses coutures et c’est le résultat de ses déductions – bien sûr – qu’il est venu partager avec une quinzaine de passionnés.

Prendre son polar une bouchée à la fois

On s’entend généralement pour attribuer à Edgar Allan Poe la création du genre policier en littérature. Le conférencier a rappelé le génial détective Dupin, qui a précédé tous les Poirot et Wallander dont on ne sait plus se passer. Poe a encore innové en créant du même coup la première énigme « de la chambre close ».

Norbert Spehner est parti de cette base pour guider son public dans un riche patrimoine de manoirs anglais, de romans à dix sous, de bas-fonds sordides et de milliers de litres de whisky. La table était mise.

Comment s’y retrouver

Le roman policier a évolué depuis Poe. Thriller, suspense, roman d’enquête ou roman noir, l’amateur se demande où est la nuance. Le conférencier a développé un schéma simple qu’il a illustré par le premier de tous les crimes : le meurtre d’Abel par son frère Caïn, dans la Bible. « Tout y est, d’expliquer Spehner : Caïn est le tout premier meurtrier, Abel la victime et Dieu est l’enquêteur qui applique la justice. »

Le public a ensuite eu droit à une démonstration rigoureuse qui s’est conclue avec ces trois formules faciles à retenir : Le roman d’enquête parle à la tête du lecteur; il raconte au passé, souvent par la bouche d’un narrateur. Le thriller vise nos nerfs, il anticipe l’avenir, c’est le point de vue du tueur. Le suspense vient nous chercher par les tripes, il décrit le présent, c’est la victime qui parle.

Norbert Spehner a toutefois reconnu que le polar d’aujourd’hui fait éclater les genres et que les auteurs contemporains n’ont que faire des catégories trop étanches. Il a cité pour exemple Michael Connely et Ian Rankin, mais également tous les sous-genres qui naissent et meurent au gré de modes souvent éphémères : polar écologique, polar gadget, mystique, western, médiéval, historique et même, qui l’eût cru, culinaire.

Un genre en plein boom

Selon le conférencier, le roman policier propose une convention littéraire rassurante pour le lecteur. Il lui offre – la plupart du temps – la double satisfaction de résoudre l’énigme et d’étancher sa soif de justice.

Faut-il y voir la raison de sa popularité? Probablement. « Cette popularité pourrait d’ailleurs provoquer une saturation du marché, prévoit M. Spehner. Tous les éditeurs sur la planète se sont mis à publier du polar. Ça dilue la qualité, forcément. »

Il reconnaît toutefois que le Québec en est encore à l’âge d’or de sa littérature policière. La renommée des Brouillet, Senécal, Pelletier ou Michaud a créé ici une véritable industrie du polar. « La production explose, souligne Norbert Spehner. On voit maintenant des auteurs publier deux romans dans la même année. C’est risqué pour la mise en marché, mais ça illustre bien l’effervescence du milieu. »

Coup de pouce régional

Profitant de son passage dans la capitale du roman policier, M. Spehner a souligné le rôle joué par le Prix Saint-Pacôme sur la notoriété des auteurs québécois. « Saint-Pacôme a créé un mouvement, c’est certain. Aujourd’hui, il y a Knowlton, QuébeCrime pour les anglophones, les événements se multiplient avec beaucoup de succès, mais pour un auteur de polar, gagner le Saint-Pacôme est un objectif », d’affirmer le conférencier.

Norbert Spehner est le sujet d’une exposition présentée par le Réseau Biblio du Bas-Saint-Laurent jusqu’à la fin août à la bibliothèque Mathilde-Massé de Saint-Pacôme. On peut y voir 19 des chroniques qu’il a publiées dans Le Placoteux et emprunter les livres qui y sont commentés.