La Biennale de Saint-Jean-Port-Joli mise depuis quelques éditions sur la cocréation entre artistes. De ces jumelages naissent parfois des tandems cohérents, d’autres improbables. Tout laissait croire que Dominique Beaupré St -Pierre et Ivon Bellavance appartenaient au deuxième groupe, mais la complicité artistique qu’ils ont développé en moins de deux semaines les classent plutôt dans une catégorie à part, les complices tissés serrés.
Tout les oppose. Elle, artiste du verre, lui, artiste du textile, la finesse des pièces de Dominique n’ont d’égal que l’exubérance des œuvres d’Ivon. Elle puise son inspiration dans la relation que l’homme entretient avec la nature, alors qu’Ivon, en bon théologien, attache les fils qui lient l’humain au divin. Elle crée avec comme trame de fond une musique plus calme et introspective, alors que lui recherche le festif du vieux disco et de l’époque Motown.
À la base de leur union improbable, il y a la Biennale de Saint-Jean-Port-Joli auxquels les deux artistes ont été invités à participer et à créer une œuvre commune sous la thématique Sculpture + Art textile inspirée d’Émélie Chamard, tisserande pionnière de la région. Au cœur de cette complicité inattendue, il y a cette passion pour les rencontres humaines, mais surtout, l’écoute.
« Tout ce qui est de l’ordre de l’humilité, qui ne s’impose pas, ça me rejoint. L’ouverture, la disponibilité, ça me stimule. On a même fini par trouver notre musique de création : la bossanova », s’exclame Ivon, au sujet de sa rencontre avec Dominique.
Ensembles ils en sont à fignoler les derniers détails de leur œuvre appelée Tissé jusqu’au Nous, dont l’installation se fera incessamment au Parc des Trois-Bérets. Le résultat final les stimule, mais les deux s’entendent pour dire que le processus créatif, la conception et tout le développement de la pensée derrière sa concrétisation sont plus importants que tout.
« C’est la première fois qu’on se retrouve jumelé tous les deux, mais c’est tellement enrichissant. La démarche, c’est vraiment ce qui nous a connecté Ivon et moi », avoue l’artiste de Saint-Roch-des-Aulnaies.
Dans son atelier du Vivoir à Saint-Jean-Port-Joli, Dominique travaille des petites chaises en verre. Elles seront partie intégrante de trois tableaux de l’œuvre qui sera une forme de tissage entre le passé et le présent, de résumer Ivon. La table et les chaises, lieu de nos rencontres physiques d’autrefois, en opposition au téléphone intelligent, outil de nos rapports numériques d’aujourd’hui. L’église d’hier, lieu où se pratiquait jadis la religion, qui se confond dans le présent avec un panier d’épicerie, signe ostentatoire du culte de la consommation.
« L’œuvre n’est pas une critique politique ou idéologique. Elle nous invite seulement à prendre les choses comme elles sont en montrant d’où on arrive et vers où on s’en va », poursuit-il.
L’inspiration à l’origine de cette cocréation, les deux artistes la tire d’un arbre repéré sur le site du Parc des Trois-Bérets. Les tableaux travaillés par Dominique s’y attacheront grâce au travail textile d’Ivon, à travers une forme de métier à tisser qui unira le tout vers ce tronc commun, le Nous qui invite au recueillement, à la contemplation et à l’enracinement. Cette œuvre qui unira la fragilité et la résistance des matières qu’ils travaillent et qui oppose le passé et le présent, est à la fois un écho aux personnalités artistiques du tandem, improbable, mais complice, aujourd’hui Tissé jusqu’au Nous par le simple fait de leur ouverture à l’autre.
Rendez-vous au Parc des Trois-Bérets de Saint-Jean-Port-Joli, du 22 au 25 juillet, pour vivre la Biennale 2021. Programmation complète à biennaledesculpture.com.