« Vous autres les jeunes qui venez des villes, vous arrivez ici pis vous voyez au premier coup d’oeil des choses qu’on voit pus, tellement on est rendu habitué. » Cette phrase que l’on retrouve presque à la fin du premier roman de Gabriel Anctil, « Sur la 132 », explique peut-être, finalement, la perception que l’on a du portrait que l’auteur présente du Bas-Saint-Laurent.
L’intrigue : Théo habite à Montréal. Il gagne très bien sa vie dans la publicité. Mais il en a plein le dos et décide de tout plaquer là pour changer d’air. Sur un coup de tête, celui qui, vers l’est, n’a jamais dépassé Québec, va louer une petite maison à Saint-Simon près de Trois-Pistoles où il remet son existence en question. Sur sa route, il s’arrête à Saint-Jean-Port-Joli où il visite le parc des Trois-Bérets, passe par La Pocatière et Rivière-du-Loup.
Si, dans son roman, Gabriel Anctil critique l’univers superficiel de la publicité, le portrait qu’il dresse de la région du Bas-Saint-Laurent n’est pas idyllique pour autant. Le changement qui s’opère dans la vie du personnage de Théo est radical. Habitué à l’univers glamour de la ville, c’est essentiellement dans une taverne de Trois-Pistoles qu’il se retrouve pour regarder le hockey et où il fera la connaissance de ses nouveaux amis.
Si l’auteur parvient à mettre en scène un univers drôle et original, celui-ci n’est pas pour autant dépourvu de clichés. Les habitants sont parfois décrits en des termes plutôt crus, présentés comme des alcooliques dont la pauvreté intellectuelle est évidente, si bien que l’on pourrait être tenté d’y voir un certain mépris pour les « régionaleux ». Pourtant, ce n’est pas le cas. Gabriel Anctil a vécu quatre ans au Bas-Saint-Laurent. Il a aimé cette région et dans les entrevues qu’il a accordées à la suite de la publication de son livre, il a dit avoir voulu rendre hommage à la langue et à la chaleur des gens, à leur imaginaire. D’ailleurs, les histoires que raconte le personnage de Ritch sont particulièrement savoureuses.
Bref, Gabriel Anctil nous offre un univers intéressant et évite le piège de présenter une image idéalisée de la région, surtout en hiver. Toutefois, il tombe peut-être dans l’excès inverse. Il y a une vie culturelle animée que l’on ne sent pas à la lecture du livre. Tout le monde n’écoute pas que du western à la radio locale. On boit autre chose que de la bière tablette. Et le journal de Rivière-du-Loup mentionné, tout concurrent est-il, ne sent certainement pas « la langue brune à plein nez » et ces pages ne sont pas « remplies de bord en bord de flatteries et de flagorneries. »

