Gilbert Boulanger, l’alouette rentre au pays natal

MONTMAGNY – C’est dans l’intimité qu’on a célébré les funérailles de l’ancien combattant aviateur mitrailleur Gilbert Boulanger, samedi dernier, à 13 h30, à l’église Saint-Thomas. Cette célébration marquait le retour au bercail de cet homme de paix, ardent défenseur de la mémoire des combattants de la 2e Guerre mondiale. Ses cendres ont été déposées au cimetière de Montmagny, dans le lot familial. Il repose maintenant auprès de sa chère épouse, Mary-Eileen Rees, qu’il avait mariée en Angleterre en 1944. Celui qui aurait eu 92 ans le 3 juin est décédé d’un cancer le 31 décembre 2013. 

Le dimanche 19 janvier dernier, une cérémonie émouvante avait aussi eu lieu à Sherbrooke, où il demeurait depuis la fin des années 1950. En plus de la famille, plusieurs centaines de personnes : amis, militaires, dignitaires et représentants de Courseulles-sur-Mer, en Normandie, où l’on a donné son nom à une école élémentaire, l’ont salué pour une dernière fois.

Durant la 2e Guerre mondiale, M. Boulanger, engagé en 1940 dans l’armée canadienne, a joint l’Escadrille 425 Alouette, en Angleterre. Il a participé à 38 missions dans des bombardiers en tant qu’aviateur mitrailleur.

Paix et souvenir

Cet ancien combattant était un pacifiste. Il avait mentionné dans le film qu’on lui a consacré, réalisé par Gilbert Tremblay, Groupe PVP, et diffusé à maintes reprises, entre autres, à Zone Doc de Radio-Canada : « Je suis parti pour la guerre à l’âge de 18 ans. Et là je vous dis maintenant qu’on a pas encore gagné la paix. » Il confie également que lorsque cette guerre, qui a fait 30 millions de victimes s’est terminée, il n’était pas capable de crier sa joie.

Dans le film, il s’adresse aux enfants en disant : « Il ne faut pas régler ses problèmes à coups de poings et frapper les autres. Il faut parler, parler. Rappelez-vous. La plus grande insulte à l’être humain c’est d’aller à la guerre pour régler ses problèmes. » Voilà qui donne l’image de l’âme de ce Magnymontois d’origine.

M. Boulanger, bien que médaillé, n’a jamais voulu qu’on le considère comme un héros. Toutes ses prises de parole, il les a faites en mémoire des militaires qui ont sacrifié leur vie pour libérer l’humanité du joug nazi.

Dans le film, lorsqu’il parle aux enfants de l’école de Couseulles-sur-Mer, en Normandie, qui porte maintenant son nom, ému de l’hommage qu’on lui rend, il mentionne que les Québécois et les Canadiens ne se souviennent pas assez de ces événements si importants. Il a depuis plusieurs années appelé au « devoir de mémoire ».

Le 6 juin prochain, cela fera 70 ans que le débarquement de Normandie a eu lieu. Des festivités sont d’ailleurs déjà en cours en France. Il aurait bien aimé se rendre à Caen, dans le Calvados, pour participer aux Fêtes de commémoration de la libération de cette ville, libérée par les soldats britanniques et canadiens, le 9 juillet 1944, après d’intenses et dévastateurs combats. Mais le destin en a décidé autrement.


Accompagné de son frère Gaston, Philippe Boulanger, porte les cendres de son père.

Livres et témoignages

Justement pour faire devoir de mémoire, M. Boulanger a écrit un livre fort populaire, L’alouette affolée, publié en 2006. Une réédition remaniée a été publiée en 2010, aux éditions Lux. Il y fait le récit de ses années à la guerre et de ses états d’âme. Cette dernière édition a d’ailleurs été lancée au Musée de la mémoire vivante à Saint-Jean-Port-Joli, en 2010.

En mai de la même année, au même endroit, il a aussi enregistré ses souvenirs, comme l’ont aussi fait six autres vétérans de la Deuxième Guerre mondiale.

En novembre 2011, la Société d’histoire de Montmagny l’a honoré et invité à donner une conférence lors de son souper annuel, qui avait réuni quelque 130 personnes. 

Vie bien remplie

M. Boulanger a eu une vie bien remplie. Il concrétisera, entre autres, son rêve de devenir pilote après la Guerre en passant sa licence civile. Entre autres, il fonda en 1946, Montmagny Air Service, mais l’entreprise n’eut pas le succès escompté.

Après avoir occupé peu de temps un emploi de maître de poste à Montmagny, il devint représentant commercial pour une compagnie. C’est aux commandes d’un avion qu’il allait visiter ses clients éloignés.

En 1960, son épouse Marie-Eileen Rees, ouvre l’agence de voyages sherbrookoise Escapade, dont il fut le directeur-général. En 1971, M. Boulanger fonda, aussi à Sherbrooke, le Club de l’aéronef expérimental. Entre autres activités reliées à l’aviation, il démarra la compagnie Dédalius Aviation, spécialisée dans la fabrication d’ailes pour avions ultralégers. Il construisit lui-même quatre avions expérimentaux, pilota un planeur. Il fut intronisé au Panthéon de l’Air et de l’Espace, en 2008.

Se rappeler à Montmagny

En entrevue au cimetière, son fils Philippe a mentionné que des contacts ont récemment eu lieu avec des personnes du milieu municipal de Montmagny dans le but d’officiellement honorer la mémoire de M. Boulanger.

« Donner son nom à l’une des salles de la bibliothèque pourrait être une très bonne idée », de suggérer Nicolas Paquin, auteur du roman Sous le feu de l’ennemi, qui a côtoyé Gilbert Boulanger. Un événement pourrait avoir lieu en septembre.

Voilà, M. Boulanger repose maintenant en paix dans sa terre natale. Ii ne reste plus aux Magnymontois qu’à lui accorder une place dans leur mémoire collective.