Grand salon des produits régionaux: Laure Waridel veut toujours changer le monde

SAINT-DENIS – La cofondatrice d’Equiterre est de retour de Suisse depuis un an. Une heure avant de prononcer une conférence sur le thème « Du pouvoir au bout de nos fourches et de nos fourchettes » au Grand salon des produits régionaux de Saint-Denis, cette passionnée des humains et de leurs choix de vie a accordé une entrevue au Placoteux.

En ces temps difficiles où les pouvoirs financiers ont la mainmise sur toutes les activités humaines, Laure Waridel est plus que jamais convaincue que le véritable pouvoir est entre les mains des individus, pourvu qu’ils travaillent ensemble. « L’économie moderne est déconnectée des vrais besoins de la population et de ses valeurs profondes, affirme-t-elle. On persiste à prôner la croissance perpétuelle, alors que tous les indicateurs confirment que celle-ci est insoutenable. Je crois que si on mettait toutes nos intelligences au service d’un véritable changement, on pourrait faire de grandes choses. »

Le Québec comme modèle

Même si elle est consciente de la difficulté de transformer un système qui a cours sur toute la planète, Laure Waridel ne perd pas espoir. « Dans l’histoire de l’humanité, les mouvements sociaux ont toujours été les vecteurs des grands changements. » Elle se sert de sa propre expérience pour illustrer sa théorie : « L’océan a beau être immense, il est composé de gouttes d’eau. Lorsque j’étais au cégep, au début des années 1990, nous étions quelques étudiants qui ont réussi à mobiliser, un par un, les employés et les usagers dans le dossier du recyclage. Nous avons convaincu les gens de l’importance de cet enjeu et nous avons pu finalement proposer à la direction un projet qui a été facilement accepté, parce qu’il était porté par un grand nombre d’individus. En groupe, nous avons beaucoup plus de pouvoir qu’on pense. »

Elle pense que le Québec a tous les outils qu’il faut pour être un modèle à l’échelle de la planète. « Nous sommes une petite population, plus facile à mobiliser, nous avons des sources d’énergie propres et un historique de redistribution des richesses que nous pourrions développer encore plus et même exporter dans d’autres sociétés. »


150 personnes ont assisté à la conférence de Laure Waridel.
Photo: Éliane Vincent

Une conférence prisée

150 personnes s’étaient installées devant l’estrade à l’arrière du Grand salon des produits régionaux pour écouter la conférence de Laure Waridel. À sa demande, chacun a d’abord jeté un coup d’œil dans le dos de son voisin pour constater que les étiquettes de nos vêtements disent à quel point nous sommes reliés à toute la planète dans chacun de nos gestes quotidiens. « Nous sommes tous interdépendants et l’économie ne peut pas exister sans la biodiversité. Il faut changer notre perception de l’existence et remettre l’humain au centre de nos actions. »

La conférencière a ensuite demandé au public quelles étaient leurs plus grandes richesses. Les réponses ont fusé rapidement et l’argent n’est arrivé qu’à la toute fin, longtemps après la famille, les amis et la santé. « Et pourtant, a-t-elle enchaîné, tout le système de consommation veut nous persuader que nous sommes ce que nous consommons; que plus nous possédons, plus nous existons. Il faut changer cette perception, qui ne correspond pas à ce que nous ressentons, à nos véritables besoins. » Elle a d’ailleurs noté que les indicateurs économiques ne tiennent pas compte de ces facteurs essentiels et a appelé à développer des outils de mesure qui soient plus réalistes.

L’économie locale, source de prospérité

Laure Waridel a démontré que 5 millions d’enfants meurent de malnutrition chaque année, alors que 30 à 50% de toute la nourriture produite sur la planète est jetée, faute d’une redistribution appropriée. « Les inégalités sont causées par un manque de justice, pas par un manque de productivité » a-t-elle souligné, en évoquant les appels de l’industrie à de meilleurs rendements dans l’agroalimentaire.

Elle a ensuite fait le lien avec la formule de consommation qu’elle a proposée dans son livre l’envers de l’assiette, publié il y a quelques années aux Éditions Écosociété : les 3N-J. Trois N pour Nu (le moins emballé possible), Non-loin (produit le plus près possible du lieu de consommation), Naturel (le moins transformé possible), et enfin, Juste (qui répond aux besoins réels des communautés).

La table était mise pour souligner le travail des producteurs du Kamouraska, qui développent des circuits courts de mise en marché, comme les paniers ASC, les marchés publics ou les courtiers en alimentation locale. Clotilde Paulin, des Jardins du Baluchon, Andrée Deschênes, des Jardins des Pèlerins et Patrice Fortier, de la Société des plantes, sont venus témoigner de leurs actions et de leur expérience. Laure Waridel a indiqué qu’ils sont les témoins locaux d’un mouvement très vaste de créativité et de remise en question dans l’action, au jour le jour.

« Nous pouvons imaginer les choses autrement, nous sommes assez intelligents pour ça. Nous pouvons prendre notre destin en main et changer le monde » a conclu la conférencière avant de citer une phrase de Gandhi qui l’inspire beaucoup : « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde. »

Après une courte période de questions, Laure Waridel a pris le temps de discuter à bâtons rompus avec ses auditeurs durant un long moment. Parions qu’avec son optimisme contagieux, elle en aura inspiré plus d’un à changer le monde, un geste à la fois.