Hausse des taux d’intérêt, le seul remède ?

Depuis janvier de la présente année, nous assistons à une augmentation des prix des biens et services se traduisant par un taux d’inflation plus élevé que ce à quoi nous étions habitués depuis trois décennies.

Avant de débuter, juste un rappel concernant la cause de l’inflation, c’est soit une hausse de la demande, une baisse de l’offre ou encore une combinaison des deux, ce qui est le cas présentement.

Commençons par la hausse de la demande, je ne m’étendrai pas beaucoup sur le sujet, car c’est de l’offre dont je vais surtout vous entretenir dans ce texte.

L’augmentation de la demande n’est certainement pas une surprise, beaucoup d’argent public a été investi, à juste titre, dans l’économie en période pandémique afin de soutenir cette demande, à cela il faut ajouter l’épargne accumulée des ménages pendant cette même période qui maintenant, se traduit par une reprise de la consommation supérieure à l’avant-pandémie.

À présent parlons de la baisse de l’offre, c’est-à-dire la production de ces mêmes biens et services, c’est à ce niveau où la problématique de l’inflation que nous vivons présentement sera plus difficile à combattre.

Cette déficience de l’offre s’explique par différents facteurs internes et externes à nos frontières, encore une fois l’élément déclencheur est la pandémie, le resserrement de la libre circulation des personnes et des marchandises, le ralentissement de production, la baisse de service, dû à l’absentéisme de la main-d’œuvre causant même la fermeture de plusieurs usines ou commerces de biens et services.

D’autre part face à la baisse des prix du pétrole, d’avant la pandémie, l’OPEP (organisation des pays producteurs de pétrole) avait décidé de réduire la production journalière de plusieurs milliers de barils de pétrole, provoquant ainsi une baisse de l’offre afin de faire grimper les prix. Nous savons que le pétrole, outre l’impact direct sur le prix du transport des marchandises et des personnes, est encore un intrant utilisé dans la production de beaucoup de produits, créant ainsi un effet domino sur le prix de ces derniers.

À cela s’ajoute, pour certains pays comme le Canada et le Québec, la rareté des ressources humaines, je n’ai pas besoin de vous le démontrer, bien entendu cette rareté entraîne une augmentation des salaires. La ressource humaine étant un intrant très important dans la production de biens et services, cela ajoute une pression supplémentaire à la hausse sur les prix.

La guerre en Ukraine a bien sûr un effet catastrophique sur la production des deux pays impliqués, de plus le resserrement de leurs frontières respectives n’aide en rien à ce que leurs productions nationales puissent circuler librement.

Comme j’essaie de vous le démontrer, la hausse de l’inflation est due beaucoup plus à la faiblesse de l’offre qu’à la hausse de la demande. Le problème c’est que les remèdes classiques pour combattre l’inflation (8,1 % en juin 2022) sont élaborés afin de diminuer la demande, soit par des politiques fiscales et/ou monétaires restrictives.

Parmi la gamme d’outils de la politique monétaire, le plus utilisé lors des derniers épisodes d’inflation est la hausse du taux directeur de la Banque du Canada, se traduisant par une hausse du taux d’intérêt sur les emprunts des ménages et des entreprises.

Certes, il y aura un impact sur la demande de prêt, s’acheter une maison, une auto, etc. coûtera plus cher et engendrera une baisse de la demande dans ces secteurs, mais aura aussi un impact négatif sur la santé financière des ménages devant renouveler leurs hypothèques. De même, le coût d’emprunt des entreprises augmentera, retardant ainsi des projets d’investissement. Ce report des investissements tue dans l’œuf les possibilités d’augmentation de l’offre au moment où l’économie en a le plus besoin.

Oui, la demande fléchira et l’inflation diminuera, mais les effets du remède créeront une situation idéale pour engendrer une récession et ce sont toujours les personnes les plus démunies qui en paient le prix.

Y a-t-il une autre solution ?

Oui, mais elle est contre-intuitive (en ce temps d’inflation), par une politique fiscale agressive, crédit d’impôt à l’investissement, aide financière, etc., incitant les entreprises à investir dans des projets ayant pour but l’augmentation de la production et/ou de la productivité.

La politique monétaire relève du fédéral, via la Banque du Canada, cependant les politiques fiscales sont de compétences fédérale et provinciale.

Rénald Bernier, économiste, Saint-Pascal