MONTMAGNY – M. François Lapointe, député fédéral de la circonscription Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, avisait la presse régionale, jeudi dernier, par voie de communiqué, que PurGenesis avait été mise sous séquestre au début du mois. En fait, nous avons constaté que la Cour supérieure du Québec a ordonné la mise sous séquestre de PurGenesis le 23 mai, à la suite d’une requête d’investissement Québec.
Le séquestre signifie que les actifs de la compagnie passent sous le contrôle d’une firme mandaté par le juge – dans ce cas-ci Lemieux Nolet inc. de Québec, syndics de faillite et gestionnaires – qui en prend possession et les administre, « en continuant en tout ou en partie les opérations ». Il peut aussi « vendre ou disposer des actifs » et poser les gestes en ce sens.
Le juge ordonne également de payer en priorité 20 000 $ par mois au séquestre pour les honoraires et dépenses, pour un maximum de cinq mois. Ce qui laisse entendre que le sort de PurGenesis pourrait être scellé dans ce laps de temps. L’entreprise est donc en mauvaise posture, mais pas en faillite.
Aucun des administrateurs de la compagnie au Québec n’a pu être rejoint. Le service téléphonique ne fonctionne plus. Et nous n’avons pas pu parler avec le Dr André P. Boulet, le président et chef de l’exploitation, un Magnymontois d’origine.
De gros chiffres
Cette mise sous séquestre implique de grosses sommes. Au titre des créanciers privilégiés se trouvent Investissement Québec avec plus 6 M$, Agriculture et Agroalimentaire Canada, plus de 3,3 M$, Société de fiducie Computer Share du Canada, 4 720 M$, et la Banque Royale du Canada avec 800 000 $.
Les créanciers non garantis sont au nombre de 59. L’on y trouve, entre autres, La Ville de Montmagny (5 680 $), la Commission scolaire de la Côte-du-Sud (5 145 $), Raymond Chabot Grant Thornton avec un peu plus de 112 000 $, ainsi que Roche construction avec près de 233 000 $. Le total des créances s’élève à près de 17 M$. La valeur de l’édifice est de 5,3 M $ et les machineries et équipements sont évalués à 1 M$.
Horizons alléchants
En 2009, lors d’une présentation remarquée, l’homme d’affaires Eugene Melnik, président du Conseil d’administration de PurGenesis technologies avait dévoilé, avec le Dr Boulet, le projet de construction alors évalué à 12,5 M$. En fin de compte, les investissements totaux ont été de l’ordre de 30 M$.
Depuis des années, l’on promettait un brillant avenir pour cette entreprise de technologie d’avant-garde du domaine de la médecine naturelle par les plantes. Les élus, tant provinciaux que fédéraux ou municipaux, y ont cru.
Le produit était alléchant et les responsables semblaient crédibles, si bien qu’ils ont pu récolter des appuis financiers importants. Mais on constate aujourd’hui que la marchandise n’a pas été livrée.
En 2009, PurGenesis prévoyait créer 80 emplois dans les trois années suivant l’implantation de son entreprise de fabrication de médicaments et de cosmétiques à base d’épinards.
C’est d’ailleurs en partie pour cela qu’Investissement Québec avait accordé un prêt de plus de 5 M$. Enthousiaste, le maire de Montmagny était même allé jusqu’à espérer plus d’une centaine d’emplois. Cependant, il n’y a jamais eu plus d’une douzaine d’employés, dans cette usine laboratoire de 17 500 pieds carrés, qui a finalement été construite en 2010, dans le parc industriel Louis-O.-Roy.
Au CLD, on considérait que la culture des épinards aurait pu fournir des revenus supplémentaires à des agriculteurs. Des approches avaient été faites auprès de producteurs potentiels, mais il n’y a eu aucune culture de plants d’épinards biologiques dans la région.
De la mari
Récemment, en août 2013, M. Boulet avait annoncé un partenariat avec Biocell Labs, afin de faire pousser de la marijuana thérapeutique. Il avait alors parlé de louer une partie de l’usine à Biocell pour cette culture, tandis que PurGenesis continuerait sa production ses produits médicinaux à base de plantes.
Toutefois, un halo nébuleux a entouré l’entreprise. Sans cesse, la direction parlait des difficultés avec les sous-traitants, de la lenteur pour faire homologuer un produit pointu par Santé Canada, qui occasionnaient des délais, justifiant les retards.
Réactions
Le député fédéral François Lapointe, qui a sonné la cloche, ne mâche pas ses mots. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il fait une sortie à ce sujet. « J’ai souvent soulevé le dossier de PurGenesis à Ottawa, mais les conservateurs se sont toujours contentés de réponses vagues, et ne semblent pas avoir pris le problème au sérieux », a déploré le député Lapointe dans son communiqué.
De son point de vue, « l’argent versé à cette entreprise aurait pu servir de nombreuses PME de la région, ces fonds auraient pu permettre à de nombreux citoyens de se trouver un emploi. Quel gâchis. »
« Pendant que le gouvernement du Québec tente de récupérer les fonds de toutes les façons possibles, ajoute-t-il, les Conservateurs semblent en faire le moins possible. Des millions de subventions ont été versées à cette compagnie moribonde à grands coups de points de presse et de promesses trompeuses de création d’emploi. C’est l’argent des contribuables qui a été investi dans ce fiasco. Il faut que les Conservateurs prennent l’utilisation des fonds publics au sérieux et fassent toute la lumière dans cette affaire », écrit-il encore.
Quant au maire de Montmagny, M. Jean-Guy Desrosiers, il s’est abstenu de commenter les propos du député. « Quant à moi, de dire le maire, je sais qu’être sous séquestre ne veut pas dire faillite. Je n’ai aucune idée en ce qui concerne le stade où est rendu le développement du produit. Ou s’il est prêt à être commercialisé ou pas. Mais je sais, d’autre source, que PurGenesis est à essayer de se restructurer pour récupérer leurs brevets et autres choses. » Il a ajouté que Montmagny en tant que municipalité ne perd rien.
« L’usine est chez nous. Elle est ultra moderne et prête à être réutilisée. Alors les Magnymontois ne perdent rien », a-t-il insisté, précisant ne pas vouloir se mêler des dédales administratifs d’une entreprise privée. « Mon rôle en tant que maire c’est l’investissement qui est fait à Montmagny. Si PurGenesis essaie de se restructurer, c’est une chose; éventuellement il y aura peut-être autre chose, s’ils n’y arrivent pas. Mais pour le moment je suis tout à fait optimiste. »
À la défense de l’audace, le maire a mentionné : « Les gens qui ne prennent jamais de risques dans la vie ne font jamais rien non plus. » C’était un beau projet, d’acquiescer le maire : « oui, et je dis que ce n’est pas terminé. Ce n’est pas terminé tant que la porte n’est pas complètement fermée. Il y a encore des lueurs d’espoir d’après l’information que j’ai reçue. »
De son côté le député de Côte-du-Sud, M. Norbert Morin, trouve la chose « bien dommage ». « Essayons de voir ça d’un côté positif, a-t-il dit. C’est un établissement de haute technologie, alors pourrait-on le récupérer pour autre chose? Probablement. J’espère que les intervenants vont se concerter. C’est mon souhait », a-t-il mentionné. « Nous avons des centres d’expertise en Côte-du-Sud et il y a sûrement des gens que ça pourrait intéresser ». Il demeure optimiste.

