Jean-Sébastien Veilleux ne prend jamais de photos

Le récipiendaire du prix Monique-Miville Deschênes 2019, Jean-Sébastien Veilleux. Crédit photo : Jean-Sébastien Veilleux

Il a appris de son père à être attentif, à laisser la lumière entrer, à recevoir. Portrait du lauréat du dix-septième Prix Monique-Miville-Deschênes de la Culture, chercheur d’images et de possibles, photographe et cinémagraphe à l’écoute de la nature.

« Tout le monde peut appuyer sur un bouton pour obtenir une image. Je préfère me concentrer sur l’intention, ne pas prendre la photo, mais simplement la recevoir. » Il a pourtant fallu un long parcours à Jean-Sébastien Veilleux pour oser reprendre le métier de son père photographe. D’Alma à la Beauce, de la musique au graphisme, son amour de l’image l’a rattrapé et il a replongé dans la photo par le chemin détourné de projets plus commerciaux, jusqu’à ce que sa muse le guide vers le fleuve… et vers l’environnement.

« J’ai fait un certificat en arts et nouvelles technologies, puis j’ai étudié en scénarisation interactive à l’Institut national de l’image et du son (INIS). C’est ce qui m’a ramené à la photo. » Curieux des possibilités offertes par les nouveaux outils à sa disposition, il a poursuivi ses recherches par lui-même, explorant les techniques et se les appropriant pour trouver sa propre voie.

Le cinémagraphe

Le mot lui-même est une énigme. Le cinéma est affaire de mouvement, alors que la photo est immobile. L’énigme est résolue grâce à la technologie, qui permet de combiner une image immobile et un segment vidéo. Jean-Sébastien a fait évoluer cette technique en fonction de sa vision créatrice, au point que selon lui : « on ne peut presque plus parler de cinémagraphe. Je travaille entre autres avec des techniques de longue exposition qui donnent une impression d’objets suspendus, comme si la gravité était différente. » Le cerveau est surpris devant les mouvements étranges qui animent les écrans encadrés. L’artiste profite de l’attention ainsi captée pour partager quelques valeurs environnementales qui lui tiennent à cœur.

L’art et l’environnement

Depuis qu’il fréquente Saint-Jean-Port-Joli, le fleuve et ses berges encombrées de déchets ont été l’impulsion d’un projet artistique participatif. Il a mobilisé des citoyens dans six municipalités, et ensemble ils ont nettoyé les berges. Jean-Sébastien insiste : « Ce qu’on a ramassé n’était pas des déchets, j’y ai vu des matières, des images fortes. » Il a utilisé ces matières pour créer des personnages fantastiques qui nous forcent à assumer notre mode de vie.

Un de ces personnages, l’Ange des décombres, a migré sur le site dialogueaveclefleuve.xyz, où les visiteurs sont invités à proposer des solutions concrètes pour améliorer la situation des berges du fleuve Saint-Laurent. Plus les solutions proposées seront nombreuses, plus l’ange sera « purifié » et évoluera sous nos yeux.

Le projet créatif de Jean-Sébastien Veilleux est essentiellement collaboratif. Dès qu’on entre sur le site, on voit se multiplier les appels à partager des images, des actions, des solutions. « Ce n’est pas une posture intellectuelle, précise l’artiste, je veux vraiment, à ma manière, mettre l’art au service de l’environnement. »

Et ensuite?

La tournée Dialogue avec le fleuve va connaître un deuxième chapitre. « Je vais créer de nouveaux personnages à partir des matériaux récupérés sur les berges, dit Jean-Sébastien, en travaillant cette fois avec des artistes de renommée plus grande, une costumière réputée. »L’objectif n’est pas seulement d’augmenter la portée du message : « Je veux montrer que peu importe notre statut, on est tous égaux : ce qu’on fait à la Nature nous revient. »

Parallèlement à ce projet d’envergure, Jean-Sébastien entend poursuivre son exploration du cinémagraphe dans des travaux plus personnels, sous la forme d’écrans encadrés dont les images mi-fixes, mi-mouvantes portent à la contemplation. « Quand on les regarde, on cherche inconsciemment une suite au mouvement, explique l’artiste. Mes images mettent un frein à cette quête, elles forcent à l’intériorisation. »

Cette volonté de faire une œuvre significative a trouvé un terrain fertile dans l’environnement culturel et maritime de Saint-Jean-Port-Joli. L’artiste originaire d’Alma et ayant grandi en Beauce y a développé sa vision en puisant dans tout ce que la région avait à lui offrir. Il a su s’attacher le cœur culturel de son village d’adoption, et le prix reçu le 14 juin dernier en est la reconnaissance officielle.

On pourra voir les œuvres de Jean-Sébastien Veilleux cet été au Vivoir de Saint-Jean-Port-Joli, et sur son site internet jsvphotographe.com.