La Pocatière perd un grand amoureux du français

André Bonsang a continué à écrire toute sa vie. Il a lancé les tomes 5, 6 et 7 de sa collection Vagabondages en décembre 2022. Les tomes 8, 9 et 10 resteront à l’état de projet. Archives Le Placoteux

Une figure marquante du milieu pocatois de l’éducation et de la culture est décédée le 29 octobre dernier. M. André Bonsang aura contribué, au long de sa vie et de sa carrière, à enrichir la culture générale de milliers de ses concitoyens, et laissera derrière lui le souvenir d’un passionné de la langue et des mots.

Né à Herve, en Belgique, en 1938, il a connu dès son plus jeune âge les affres de la Seconde Guerre mondiale qui lui a ravi son père aux premières heures de l’offensive allemande. La nomination de son père d’adoption comme administrateur colonial au Congo lui a fait prendre en 1948, avec sa mère et son frère Christian, le chemin de l’Afrique, où il a vécu ses années scolaires au collège jésuite Notre-Dame de la Victoire. « Le séjour que je fis à l’internat […] aura un retentissement très profond à beaucoup d’égards sur ma vie en formation », écrit-il dans Chasse aux trésors, l’autobiographie en trois tomes et près de 2000 pages qu’il a publiée en 2018.

C’est dans cette école qu’il a acquis la rigueur intellectuelle, et surtout l’amour inconditionnel pour la langue française qui ont guidé son parcours tant professionnel que personnel. Plus tard, avec quelques confrères du collège, il a créé en souvenir de ces années un site internet consacré à son alma mater.

De retour en Belgique, il rencontre Nicole Hauglustaine, qui le fascine au premier regard, et qui est devenue en 1963 la compagne indéfectible de sa vie, la mère de ses quatre enfants, et comme il l’a écrit lui-même dans ses mémoires, son complément, son âme, sa conseillère, son guide et son inspiration.

À l’école

André Bonsang, inspiré par quelques-uns de ses amis qui l’y ont précédé et par un voyage de reconnaissance où il visite l’Expo de Montréal avec sa famille, s’embarque en 1968 pour le Québec et La Pocatière, où il habitera le reste de sa vie. Formé comme professeur, il s’est inscrit dans la grande réforme québécoise de l’éducation en devenant professeur de français à la toute nouvelle polyvalente de La Pocatière. Claude Langlais, qui fut son directeur d’école de 1975 à 1981, se souvient : « C’était un excellent professeur de français, de ceux qu’on tient à avoir dans son école. Amical et généreux, il nous proposait toujours de nouvelles idées, sans jamais les imposer. »

Auteur de théâtre prolifique — il a écrit pas moins de 39 pièces, a joué dans une quarantaine d’autres, et a mis en scène 64 spectacles, dont plusieurs opérettes avec la Société d’art lyrique de La Pocatière —, André Bonsang a toujours été généreux de son talent, particulièrement avec ses élèves. Chaque année, il les regroupait dans la troupe de théâtre du Cinq-Sec et montait une pièce de son cru, écrite sur mesure en fonction des jeunes qui en seraient les acteurs et les techniciens de scène.

Et, sur la porte de sa classe, trônait une grande feuille de papier où il avait écrit son Ode au français, un appel vibrant à l’amour de la langue française, dont il rappelle la beauté en citant les plus grands auteurs, de François Villon à Félix Leclerc.

À la ville et à la campagne

Son amour du français a aussi conduit André Bonsang à animer durant une vingtaine d’années le club Papyrpantoute, formé de gens de la région. Ceux-là se souviendront avec bonheur des soirées Pyramide, ou Des chiffres et des lettres, et de leur dynamique et rigoureux animateur.

Bonsang l’homme de théâtre a un jour glissé vers la littérature en devenant l’un des membres fondateurs de la Société du roman policier de Saint-Pacôme, à laquelle il a bientôt prêté une pièce de théâtre, qu’il a mise en scène avec quelques amis, et qui a été présentée à Saint-Pacôme en juin 2003.

Grand voyageur devant l’Éternel, André Bonsang a parcouru et habité trois continents. Né en Belgique, il a grandi en Afrique et a vécu en Amérique, en plus de voyager dans 25 pays avec son épouse Nicole, tout aussi passionnée. Un séjour aux Îles-de-la-Madeleine ou au chalet familial du lac Trois-Saumons leur était aussi précieux que leurs virées en Amazonie ou à Gizeh.

Le professeur Bonsang a aussi été un catholique fervent, qui a beaucoup donné à sa communauté. Il a entre autres piloté durant deux ans un concours de crèches à La Pocatière. La ville s’ornait alors de crèches de toutes couleurs et formes, illuminées souvent, grâce à sa force de persuasion tranquille qui convainquait les gens de participer à sa folie. Plusieurs se souviendront aussi du Grand jeu de la Passion présenté à la cathédrale de La Pocatière.

Enfin, soulignons l’implication d’André Bonsang dans le mouvement scout. De son passage dans ce regroupement catholique, il retenait la solidarité et l’importance de l’activité physique. Il est resté très impliqué une fois installé au Québec.

Un homme de feu

André Bonsang a contribué à former de nombreux citoyens du Kamouraska. André Bernier, son confrère et ami, rappelle qu’il l’a fait passionnément : « À l’école, au théâtre et partout où il est passé, André a tout fait avec passion. Il jouait Harpagon aussi bien que de Funès, il adorait Jacques Brel, il enseignait comme personne. On n’a pas fini de se rappeler tout ce qu’il a fait! »

André Bonsang laissera dans les mémoires de nombreux humains le souvenir d’un homme curieux, brillant, et amoureux du français et des gens. Parmi eux se trouvent plusieurs collaborateurs du Placoteux qui l’ont connu et aimé. Toute l’équipe offre ses condoléances à la famille.