La rencontre du patrimoine et de l’art actueleliane_vincent20140625

RIVIÈRE-OUELLE — À Rivière-Ouelle, les plus anciens se souviendront de la croix des Dubé érigée par Louis Dubé en 1933, en face de sa résidence du 189 de la route 132. En 1959, Louis et Raymond Dubé remplacent la vieille croix de bois par une croix de fer, que le curé Bernier avait alors bénie.

Déplacée de l’autre côté de la 132 au fil des transactions immobilières, puis démontée et entreposée dans la grange de M. Gilles Landry depuis plusieurs années, la croix oubliée attendait son heure. Celle-ci est venue lorsque le conseiller Richard Dubé s’est vu confier le mandat de sortir la vieille croix des oubliettes.

En janvier 2014, un comité est mis sur pied pour donner une nouvelle vie à cet élément du patrimoine rivelois. Par un de ces curieux retours de l’histoire, les descendants d’un oncle du curé Bernier, Richard et Philippe Dubé, revenant au pays après un exil d’une génération, sont membres de ce comité.

Philippe, ethnologue et professeur de muséologie à l’université Laval, explique ce qui l’a motivé à s’impliquer dans le projet : « Les Dubé font partie des familles souches de Rivière-Ouelle. Pour notre mémoire collective, cette croix représente beaucoup. Nous voulions cependant dépasser le patrimoine, l’ancrer dans le présent en utilisant la créativité d’une artiste d’ici. Enfin, le comité tenait beaucoup à ce que le projet soit rassembleur, que le plus de citoyens possible s’y greffent à différentes étapes de sa réalisation. Si l’an prochain, tout le village de Rivière-Ouelle assiste à l’inauguration de la nouvelle croix, nous aurons atteint notre but! »


La nouvelle croix entremêlera le patrimoine et l’art actuel.
Éliane Vincent

Émilie Rondeau

La grande croix de chevrons de fer croisés mesure 18 pieds de haut par 14 de large. Pour la faire passer du statut de patrimoine religieux à celui d’objet culturel, le comité a fait appel à l’artiste en arts visuels Émilie Rondeau. Résidant à Rivière-Ouelle depuis huit ans, l’artiste est déjà bien connue pour ses interventions en art public.

« J’ai déjà réalisé quelques projets à Rivière-Ouelle, rappelle Émilie, dont un dans le cimetière. L’idée de restaurer la croix des Dubé pour lui donner une nouvelle vie recoupe des notions de récupération, d’appropriation et de détournement de sens qui sont de plus en plus présents dans ma démarche artistique. »

Croix de chemin ou objet culturel?

« Les deux! » répond Émilie Rondeau. De fait, l’artiste propose une « resignification » de la croix patrimoniale en y intégrant une structure d’aluminium rappelant les branches d’un arbre. Le titre de l’œuvre est « On reconnaît l’arbre à ses fruits ».

« L’image de l’arbre revêt une symbolique particulière au Kamouraska, explique Émilie. La coupe forestière, le commerce et la transformation du bois, et même la culture fruitière figurent au cœur des activités historiques du Bas-Saint-Laurent. » L’œuvre évoquera ce patrimoine, avec des oiseaux-fruits perchés sur les branches d’aluminium pour rappeler également les noyaux familiaux et les migrations de population. Des cercles de végétaux au sol parleront du travail de la terre, de la culture des champs et des récoltes.


La première croix de bois érigée par Louis Dubé en 1933
Photo: Archives de la Côte-du-Sud et du Collège de Sainte-Anne

Un projet collectif

Le maire de Rivière-Ouelle, Louis-Georges Simard, a souligné la fierté du conseil municipal de soutenir ce projet depuis sa conception. « Cette émergence de créativité apportée par de nouveaux arrivants bien décidés à s’enraciner chez nous mérite d’être encouragée », d’insister le maire.

La Société historique de la Côte-du-Sud a aussi contribué au projet en fournissant l’expertise scientifique de Mme Pierrette Maurais. Hélène Dore, une horticultrice de Saint-Denis qui a résidé plusieurs années à Rivière-Ouelle a prêté ses compétences pour l’aménagement du site.

Enfin, la Corporation historique et culturelle de Rivière-Ouelle a manifesté son intérêt à gérer le site où sera implantée la nouvelle croix, dans la « cicatrice » de l’ancien chemin de fer, non loin de la Petite école Delisle dont elle assure l’animation chaque année.

Persuadés que l’art et la culture améliorent la qualité de vie des citoyens, l’artiste Émilie Rondeau et le comité souhaitent contribuer au développement de leur coin de pays en actualisant son héritage religieux dans le respect de la mémoire de la communauté riveloise. Émilie conclut en souhaitant que « cette sculpture monumentale puisse guider le voyageur, enrichir sa réflexion sur le patrimoine religieux et lui offrir un contact privilégié avec l’art actuel dans notre région ».