À l’hiver 1817, un pont de glace relie Cap Saint-Ignace et l’île aux Grues. C’est un événement. Mais pour une courte période. Ce phénomène est unique dans les annales météorologiques de la Côte-du-Sud. Dans la mémoire collective des habitants de Pointe Levy et de Saint-Thomas (Montmagny), on parle de « l’année du grand pont », mais aussi d’une année de mauvaise récolte et de misère pour les habitants de la Côte-du-Sud.
On parle du grand pont parce que la glace compacte sur le fleuve s’étend de Pointe Levy jusqu’au Cap Saint-Ignace. Lorsque le seigneur de l’île aux Grues Daniel MacPherson (1753-1840) apprend la nouvelle, il en profite pour faire expédier des lettres à son fils à Saint-Thomas. Certains chercheurs ont associé l’année sans été de 1816 et la formation de ce pont de glace à l’éruption volcanique du Tambora (Indonésie) survenue en 1815.
Ce même phénomène de pont de glace entre Cap Saint-Ignace et l’île aux Grues se produit également en 1844. Dans son livre Histoire de l’île aux Grues et des Iles voisines paru en 1902, Auguste Béchard rapporte que l’on venait de Rimouski et de Pointe Levy pour se rendre à l’ile. Jamais les insulaires n’avaient autant de visiteurs. La débâcle eut lieu le 15 mars. Mais le premier mai, on lit dans La Gazette de Québec que le pont ne s’est toujours pas rompu devant Québec.
La formation de ponts de glace sur le Saint-Laurent est associée aux hivers rigoureux que connaît la vallée du Saint-Laurent. Ce sont surtout les paroisses en amont de Québec qui profitent de ces traverses hivernales éphémères. Lorsqu’il se forme entre Québec et Lévis, les cultivateurs de Beaumont font une corvée pour entretenir et baliser un véritable chemin de neige compactée entre Québec et Lévis. Dans le Bas-Saint-Laurent, il faut souligner la présence du pont de glace de l’île Verte qui est toujours utilisée aujourd’hui, mais sous haute surveillance.
Pour en savoir plus : Yves Hébert, Les ponts de glace sur le Saint-Laurent, Québec, Les Éditions GID, 2012, 150 pages.