Le Cégep de La Pocatière joue ses cartes

LA POCATIÈRE – Au Québec, 48 cégeps se livrent bataille pour une clientèle qui se fait de plus en plus rare, en raison de la baisse démographique. En région, les cégeps rivalisent d’autant avec les centres urbains, qui eux, débordent d’étudiants. Comment un cégep de région, comme celui de La Pocatière, peut-il jouer ses cartes, sans « faire tapis » et perdre sa mise? Claude Harvey, directeur général du Cégep de La Pocatière, dévoile quelques-uns des atouts qu’il a en main.

D’entrée de jeu, notons que les jeunes d’ici ne sont pas assez nombreux pour faire rouler à eux seuls un cégep de région. « Si nous n’avions que les inscriptions des écoles environnantes, il n’y aurait pas de cégep ici », concède Claude Harvey.

Toutefois, il n’est pas question de perdre ces précieuses inscriptions, puisqu’elles représentent 50 % de la clientèle. Les données disent que les fuites vers d’autres cégeps offrant les mêmes programmes sont minimes. Certes, les programmes spécialisés grugent la masse étudiante, mais les jeunes de la région choisissent à 98 % le cégep pocatois, lorsque possible.

Selon Claude Harvey, il est plus facile d’attirer les Pocatois du secondaire et les élèves des municipalités adjacentes, que les finissants de Saint-Pascal, qui eux, jettent un regard aux jetons du Cégep de Rivière-du-Loup.

Cartes communes

Même si les cégeps luttent pour accueillir le plus grand nombre d’étudiants, des alliances avec les cégeps environnants, comme Rivière-du-Loup, Rimouski ou encore avec l’ITA, doivent être conclues. « Notre but premier est de retenir les jeunes du Bas-Saint-Laurent dans leur région », souligne M. Harvey.

Le nombre d’étudiants n’est pas une question d’argent, c’est une question de vitalité, selon M. Harvey. « Une masse critique d’élèves permet d’animer la vie étudiante, ainsi que la communauté. »

Un cégep avantagé

Calcul fait, 50 % de la clientèle provient de l’extérieur de la région. C’est là que la véritable joute commence. Comment maintenir, voire augmenter, la masse étudiante et contrer sa chute? Le cégep joue alors sa carte maîtresse, soit sa petite taille.

« Les cégeps de plus petite taille ont leurs avantages. Ils offrent un encadrement plus personnalisé auprès des élèves, ce qui permet de maintenir un taux de réussite provincial qui ne descend jamais sous la barre de la 6e position », plaide le directeur général.

Mythes

La donne change sur le mythe voulant que les cégeps urbains influencent la cote de rendement (cote R). « Les élèves ne seront pas mieux cotés pour les universités en faisant leurs études dans les grands cégeps. C’est une légende urbaine, puisque la cote R est basée sur un processus objectif », renchérit M. Harvey.

De plus, qui dit « Cégep plein » ne veut pas dire « Cégep de services ». Avec fierté, le directeur répond : « Ici, c’est le paradis pour les études. Notre personnel prend soin de ses élèves, mais les études ne seront pas plus faciles pour autant », prévient-il.

Étudiants étrangers

Le ministère de l’Éducation prévoit pour La Pocatière une baisse significative au cours de prochaines années. Celui-ci entrevoit que le cégep accueillerait 500 élèves au lieu des 800 présents dans un avenir rapproché.

La Pocatière se tourne alors vers la clientèle outre-mer. Déjà, des étudiants du Maroc, de la France, de l’Île de la Réunion et de la Belgique sont séduits par l’offre pocatoise.

Cette clientèle éloignée représente une manne pour un cégep de région. « Si le programme d’Informatique a survécu, c’est grâce aux étudiants étrangers », avise le directeur.


Le Cégep de La Pocatière
Photo: Tommy Lavoie

Programmes à surveiller

Technologie physique, Bioécologie, Santé animale et aussi Soins infirmiers sont considérés comme le carré d’As du Cégep de La Pocatière. Les débouchés et les partenariats avec les centres de transfert de technologie, le CSSS et les entreprises locales permettent aux élèves de rafler la mise à leur sortie des études. Certains de ces programmes sont jugés comme étant des moteurs de l’économie, et, qui plus est, encouragés par le gouvernement du Québec.

Inversement, les programmes de Théâtre et Art plastiques baroudent plus fort au tournant. Pour l’Option théâtre, la prochaine année connaîtra une baisse de clientèle. « Ce n’est pas dramatique, mais préoccupant », admet Claude Harvey. Celui-ci se console en ajoutant que bon nombre d’étudiants de cette formation préuniversitaire se taillent une place au sein des Conservatoires ou des écoles supérieures en théâtre. Une réputation non négligeable pour le programme.

Les Arts plastiques souffriront de l’absence d’une nouvelle cohorte à la rentrée scolaire. Le programme n’étant pas reconduit par manque de joueurs. Seuls les finissants de 2e année seront les porte-étendard de cette formation à l’automne. Le programme est depuis près de huit ans sur le respirateur artificiel.

Pour l’ensemble des formations, la baisse de la clientèle est légère pour 2010-2011. Mentionnons que du côté du centre de formation de Montmagny, le nouveau programme de Langues prend de l’élan avec une quinzaine d’étudiants supplémentaires.

Fraternité et innovation

Tous ont le même discours aux enchères. « Entre programmes d’un même cégep, tu ne peux pas rivaliser. Ici, notre personnel sait que si un programme va bien, cela est bénéfique pour tous les autres programmes », note M. Harvey. En exemple, le directeur général parle de tout un cégep qui a porté la priorité institutionnelle qui était de sauver le programme de Technologie physique.

Le cégep poursuit ses innovations avec, entre autres, un investissement de 2 M$ pour réaménager le programme de Santé animale et lui fournir des laboratoires à la hauteur de la formation.

La Bioécologie est sollicitée en raison de la qualité naturelle de La Pocatière. Une consultation à l’interne a identifié des nouvelles pistes de programmes, dont un dépôt pour un autre centre collégial de transfert technologique, soit le Centre québécois de la qualité de vie des aînés. Un champ de recherche dédié aux Sciences sociales.

Devant les bluffs de ses adversaires, le Cégep de La Pocatière n’écarte aucune tactique pour demeurer dans la partie et n’entend pas passer son tour.