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Le feu sacré

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SAINT-JEAN-PORT-JOLI – Clermont Guay actionne le soufflet du feu de forge. La flamme s’élève sur le charbon incandescent. Il en retire avec des pinces un morceau de métal rougi qu’il martèle sur l’enclume. M. Guay exerce un métier rare, celui de ferronnier.

Sur le bord de la route 132 à Saint-Jean-Port-Joli, La Bigorne se reconnait facilement à sa façade placardée d’enseignes. En franchissant la porte, on est projeté au début du 20e siècle. Tout juste si la radio ne se met pas à diffuser une autre page des belles histoires des pays d’en haut. Des fanaux, des cloches et des cadenas sont accrochés au plafond et aux murs. Des outils anciens, des cadres, une photo de Félix Leclerc complètent la décoration. Mais le véritable antre de Clermont Guay est son feu de forge devant lequel il façonne l’acier de ses marteaux, protégé par son tablier de cuir. Pour l’assemblage, il utilise des rivets et la soudure.

Autodidacte

Clermont Guay a découvert Saint-Jean-Port-Joli quand il travaillait comme technicien forestier pour le ministère des Forêts. Bien qu’il aimait le côté créatif de ses artisans, il était encore à des années-lumière de penser qu’il viendrait un jour s’y établir comme ferronnier. M. Guay a érigé le bâtiment en 1993, selon une ancienne méthode, en mortaise, quatre ans avant de prendre sa retraite. Il a appris le métier dans les livres et en puisant dans ses souvenirs d’enfance chez son grand-père maternel qui possédait un feu de forge dans son moulin à scie à Lac-Mégantic.


La Bigorne est facilement reconnaissable sur le bord de la Route 132 à Saint-Jean-Port-Joli.

Art ornemental

Le métier de forgeron a évolué. La Bigorne se spécialise dans la ferronnerie d’art ornemental. Bon en dessin, Clermont Guay exécute les croquis de ses œuvres. Il fait des objets pour répondre aux besoins des touristes l’été, mais aussi et surtout des commandes pour des particuliers et des entreprises. Il a notamment réalisé les portes à l’entrée du parc Chanoine-Fleury à Saint-Jean-Port-Joli et de la boulangerie Niemand à Kamouraska. Dans une boutique attenante à l’atelier, Clermont vend des antiquités. « Des outils sur lesquels on retrouve la sueur de ceux qui ont défriché le Québec », lance-t-il, en relevant la palette de sa casquette.

La relève

Possédant deux feux de forge, Clermont Guay offre de la formation. L’un de ses neveux a appris le métier trois ans avec lui pour se lancer à son compte. L’un de ses fils, Étienne, a par la suite, lui aussi, travaillé trois ans avec son père avant de démarrer son entreprise à Saint-Jean-Port-Joli. Clermont Guay a enseigné à Sébastien Beaulieu qui a ouvert sa boutique Brindacier à Saint-Pascal. Bref, la relève existe et M. Guay ne craint pas la concurrence puisque chacun a sa spécialité, sa signature. « Si tu acceptes de travailler, tu vas en vivre », conclut-il.