Le Kamouraska, leader écologique?eliane_vincent20141217

SAINT-PACÔME – Notre système économique est de type linéaire : nous produisons, nous utilisons et nous jetons. En conséquence, nous polluons, à un rythme de plus en plus inquiétant. S’inspirant de la nature, où les déchets d’une espèce sont les matières premières d’une autre, l’économie circulaire vise à « refermer les cycles de vie » des biens et des services que nous produisons. Émilie Dupont, de la SADC du Kamouraska, a présenté au Placoteux ce modèle de développement.

Le défi est de taille. Plutôt que de produire, à partir de ressources naturelles limitées, de plus en plus de produits dont le cycle de vie est extrêmement court, l’économie circulaire planifie, dès la conception d’un objet, l’optimisation de ce cycle. De la fabrication, à l’utilisation et à la valorisation finale, le but est de limiter les impacts sur l’environnement, de générer le minimum de déchets. « L’objectif est de ne plus parler de déchets, mais de matières », souligne Émilie Dupont.

Comment ça fonctionne

Le cycle complet passe par sept étapes. En phase de production, on applique l’écologie industrielle : les besoins en énergie et en matières premières sont mis en réseau par les entreprises. Par exemple, un procédé de fabrication générant beaucoup de chaleur pourrait être valorisé en transférant cette chaleur à un producteur de légumes en serre.

Lors de la mise en marché, on privilégie l’achat d’un service plutôt que d’un produit. Les services de reprographie fonctionnent déjà de cette façon. Plutôt que d’acheter un photocopieur, les entreprises signent un contrat de location assorti d’un programme d’entretien, à coût fixe. L’entreprise remplace les équipements désuets et, dans l’hypothèse d’une économie circulaire, les répare et les remet sur le marché.

« Un autre exemple concret est celui de Michelin, ajoute Mme Dupont. Plutôt que de vendre des pneus aux transporteurs, Michelin loue du kilométrage. » L’entreprise reste propriétaire des pneus, ce qui les a incités à en augmenter de 2,5 fois la durée de vie. De plus, à la fin du cycle, ils récupèrent la matière, ce qui assure leur propre approvisionnement. Ils ont ainsi avantage à concevoir des pneus faciles à déconstruire et à réutiliser. On parle ici d’écoconception, un autre rouage de l’économie circulaire, qui avec l’écoefficacité (réemploi, recyclage, efficacité énergétique) vient refermer le cycle de production. « La boucle est bouclée, le produit est amélioré et l’impact écologique est réduit au minimum », de dire Émilie Dupont.

Changer les paradigmes

Mme Dupont insiste sur la révolution engendrée par l’économie circulaire : « Nos habitudes de consommateurs, notre rapport aux objets s’en trouvent radicalement modifiés. » Même chose pour les entreprises qui produisent les biens et les services. Il faut démontrer aux entrepreneurs les avantages de ce virage majeur.

On ne part pas de zéro. Déjà plusieurs pays d’Europe et d’Asie, notamment la France et le Japon, encouragent des projets d’économie circulaire. Les échanges internationaux se multiplient et le concept suscite de plus en plus d’intérêt. Selon le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), il est maintenant temps d’expérimenter ce modèle de développement sur notre territoire. La SADC du Kamouraska s’est aussitôt portée volontaire pour créer un projet pilote, avec des partenaires comme Co-éco, le Centre de transfert technologique en écologie industrielle de Sorel-Tracy ainsi que le VRIc (Villes et régions innovantes) un organisme basé à Québec, mais fondé à La Pocatière en 2013, et dont la mission est de promouvoir l’implantation de l’économie circulaire sur le territoire québécois.

« Nous voulons que le Kamouraska soit le leader provincial de ce projet, explique Mme Dupont. Nous avons des écoles, des centres d’expertise, un solide historique d’innovation et une concertation entre les organismes qui est déjà bien implantée, ce sont des atouts importants. » Le projet durerait deux ans, implanterait un modèle d’économie circulaire et en mesurerait les retombées économiques, environnementales et technologiques. Déjà, le cégep et les centres d’expertise se montrent intéressés à collaborer, ainsi que la MRC de Kamouraska et Ville La Pocatière.

« Une fois que nous aurons bouclé le financement, nous ciblerons 45 entreprises sur le territoire », explique Émilie Dupont. Chacune d’elles verra son fonctionnement analysé de manière individuelle et on lui fournira des pistes de solutions adaptées à sa propre situation. Du temps est prévu dans le projet pour la recherche d’opportunités d’innovation. « Si une entreprise produit des résidus qu’on ne sait pas encore valoriser, poursuit Mme Dupont, on pourrait créer de nouveaux procédés qui seraient éventuellement exportables. De nouvelles entreprises pourraient ainsi émerger. »

On parle aussi de créer une base de données des matières disponibles sur le territoire québécois, en vue de créer des maillages entre des entreprises aux activités complémentaires. Enfin, on identifierait les lacunes réglementaires ou technologiques qui pourraient freiner le développement de l’économie circulaire.

Un tel changement de paradigmes peut donner le vertige. C’est pourquoi la SADC se propose d’accompagner les entreprises dans chaque étape du projet. L’accent sera mis sur le transfert des connaissances, le partage d’information et d’expériences déjà en place dans le monde. « Si le Kamouraska devient un leader de l’économie circulaire, c’est tout un monde qui s’ouvrira pour les entreprises d’ici, conclut Mme Dupont. L’attractivité de notre région en sera accrue, et nous pourrions faire la preuve qu’on peut changer les choses, développer des modèles d’affaires performants qui se répandront partout, c’est très stimulant. »