KAMOURASKA – Il faisait un temps radieux le 25 mai après-midi sur la nouvelle terrasse du bistro Côté Est à Kamouraska. Perle Morency y accueillait une cinquantaine de producteurs biologiques, transformateurs, commerçants et citoyens, venus entendre Roméo Bouchard parler d’agriculture.
Le comédien et animateur Christian Bégin a accueilli les participants en présentant un fait étonnant : malgré le discours ambiant qui fait la promotion du bio sur toutes les tribunes, seulement 2 % des surfaces en culture au Québec sont biologiques. Pourtant, de nombreuses études scientifiques démontrent clairement que l’agriculture biologique est la plus saine pour les sols, pour l’eau et pour la santé humaine.
Penser autrement
Avec son plus récent livre, Les champs de bataille, Roméo Bouchard dresse un portrait très précis du milieu agricole québécois. « Le statut de l’agriculture est primordial pour tout pays, a affirmé l’auteur. Contrôler son alimentation est à la base de la souveraineté d’un état. »
Les champs de bataille rend hommage aux bâtisseurs du bio au Québec, qui ont osé repenser les façons de faire pour contrer les aliments carencés que produit l’agriculture industrielle. Le livre s’attarde également sur l’environnement et sur l’occupation du territoire, ainsi que sur les politiques agricoles à repenser pour sortir le bio de son statut de niche commerciale. « Il faut oser dénoncer les pratiques industrielles qui détruisent l’environnement et le tissu social des campagnes, scande Roméo Bouchard. Le bio, c’est l’avenir. L’agriculture conventionnelle, c’est un passé qui s’autodétruit! »
Il insiste sur l’injustice qui consiste à concentrer l’aide à la production agricole dans les grandes exploitations, au détriment des petites fermes qui assureraient pourtant le maintien d’une meilleure occupation territoriale en région. « Des fonds d’investissement ont commencé à acheter des terres pour spéculer sur leur valeur, c’est très inquiétant. »
Une cinquantaine de citoyens ont prêté leur expérience à une réflexion commune sur la nouvelle terrasse du bistro Côté Est de Kamouraska.
Les conversations qui ont suivi ont été très animées. On a traité de nombreux enjeux liés à l’agroalimentaire. Des producteurs comme Christian Paturel, un artisan fromager de Sainte-Luce-sur-Mer, Patrice Fortier, semencier à Kamouraska, ou Samuel Gaudet, charcutier à La Pocatière, ont tour à tour exposé leurs choix de vie et de producteurs, et les conséquences des politiques agroalimentaires sur leurs entreprises.
Il a été question de bio et de quasi bio, ce choix que font plusieurs agriculteurs de produire selon des techniques respectueuses de l’environnement, mais sans payer pour la certification biologique. Selon Roméo Bouchard, c’est un choix qui place les producteurs certifiés dans une situation injuste. « On pourrait régler ce problème en remboursant les frais de certification, tout le monde se retrouverait sur le même pied, insiste le conférencier. Avec le système actuel, l’agriculteur doit payer pour ne pas polluer, c’est une aberration! »
On a souligné l’augmentation inquiétante de l’incidence des cancers, des allergies et autres maladies auto-immunes. Roméo explique : « Il est extrêmement difficile de prouver hors de tout doute la corrélation entre les résidus de pesticides et d’intrants chimiques, et l’augmentation des cancers ou des cas d’autisme. Les facteurs qui interagissent sont beaucoup trop nombreux. Mais quand je constate les dégâts causés à l’environnement par l’agriculture intensive, j’en arrive à une certitude raisonnable en ce qui concerne ma santé. »