On parle beaucoup ces temps-ci du taux de diplomation dans les cégeps du Québec. Le directeur du campus de La Pocatière de l’Institut de technologie agroalimentaire, Sylvain Gingras, lui, entretient depuis déjà longtemps l’objectif de hausser ce taux pour l’ITA, et il rappelle régulièrement cet objectif au personnel de son établissement.
Les professeurs de l’ITA partagent évidemment ce souci pour la réussite scolaire de leurs étudiants. Ce qui les inquiète, ce sont les moyens que la direction de leur établissement prend parfois pour la favoriser. Selon eux, changer les notes, tolérer ou cautionner le plagiat ne devrait pas faire partie de ces moyens.
En effet, à plus d’une reprise, dans les dernières années, la direction de l’ITA est intervenue directement dans les résultats scolaires d’étudiants qui n’avaient pas obtenu d’emblée la note de passage à leur cours, généralement dans la foulée d’une plainte déposée par ces derniers à la Direction adjointe des affaires étudiantes. Ces interventions se sont parfois limitées à des invitations à reconsidérer l’échec initialement attribué; dans d’autres cas, la direction a carrément modifié la note pour transformer l’échec en réussite du cours. Certains professeurs ont su faire assurer le respect de leur jugement professionnel par la voie syndicale, mais il faut se rendre à l’évidence : cela n’empêche pas la direction de recommencer, chaque fois que mettre fin à une plainte lui paraît plus important que de démontrer sa confiance en la compétence des professeurs de l’Institut. Des professeurs, souvent à statut précaire, subissent difficilement et avec crainte cette forte pression exercée sur eux.
Tout récemment, un professeur ayant attribué deux échecs à une même personne en raison d’un plagiat répété pour deux travaux remis dans un même cours s’est fait ordonner par la direction de l’enseignement d’effacer la mention de plagiat pour un des deux travaux et de donner un nouveau travail à faire à l’étudiant plagiaire pour lui « donner une chance »… Il faut savoir qu’une récidive dans la tricherie, à l’Institut, conduit à un échec automatique au cours. C’est d’autant plus abracadabrant qu’une conseillère pédagogique et quatre professeurs mandatés pour analyser ce cas avaient eux aussi conclu sans équivoque au plagiat de l’étudiant. La direction n’a fait aucun cas de leur avis. À quoi bon, pour un établissement d’études supérieures, avoir une Politique d’évaluation des apprentissages et une Directive sur le plagiat, la tricherie et la fraude, si les directeurs eux-mêmes enjoignent les professeurs de ne pas les respecter?
Les professeurs de l’ITA sont profondément convaincus que leur métier consiste à transmettre à leurs étudiants non seulement des apprentissages, mais aussi ces valeurs fondamentales que sont l’intégrité et la probité intellectuelles, essentielles, au fond, pour vraiment apprendre et se développer. Le clientélisme à tout crin et la diplomation à rabais ne sont pas dignes d’un établissement d’enseignement supérieur comme l’ITA, particulièrement quand on songe à la longue tradition d’excellence en enseignement agroalimentaire du campus de La Pocatière. Par conséquent, nous demandons aux autorités du ministère de l’Agriculture, dont relève l’ITA, de prendre immédiatement les mesures nécessaires à l’application effective des politiques et directives de l’Institut quant à l’évaluation des apprentissages et à l’élimination du plagiat.
Jean Vallières, Président du Syndicat des professeurs de l’État du Québec (SPEQ)
Marie-Christine Lalande, Représentante des professeurs de l’ITA au conseil exécutif du SPEQ