QUÉBEC – La pratique du canot à glace a été officiellement désignée en tant qu’élément du patrimoine immatériel du Québec, en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, par le ministre de la Culture et des Communications (MCC), M. Maka Kotto, dimanche dernier à l’occasion de la grande course en canot du Carnaval de Québec.
Il s’agit d’une reconnaissance patrimoniale importante. La pratique de la navigation en canot à glace est le deuxième élément à être reconnu par le MCC, après les chants de gorge inuits, millénaires.
En considérant l’apport des peuples autochtones à cette pratique, le phénomène prend ses racines bien au-delà de 400 ans, époque où Champlain lui-même fut le premier témoin européen d’une traversée du fleuve Saint-Laurent en canot, à travers les glaces, entre la rive sud (Lévis) et Québec, faite par des Amérindiens.
Adaptation
Après les canots d’écorce, les colons d’origine européenne fabriquèrent et utilisèrent des pirogues creusées dans des troncs d’arbres, plus solides pour naviguer à travers les glaces, s’adaptant, dans ce cas-ci, à l’environnement hivernal. Ces canots ont longtemps été utilisés, bien qu l’on en construisait de semblables, mais faits de planches superposées, selon les savoir-faire de la construction navale traditionnelle.
Ils furent surtout utilisés entre Québec et Lévis et à cet endroit le transport courant en canot à glace vers la fin du XIXe siècle, quand les traversiers en fer furent assez forts pour affronter les glaces. D’ailleurs, en 1904, arrive un premier brise-glace à Québec.
Au fil du temps, ce mode de transport, tout comme celui des canots des insulaires, ressemblants à des baleinières, devient désuet, bien qu’il persista jusqu’à la fin des années 1970 dans l’Archipel-de-L’Isle-aux-Grues, avant que l’avion ADAC n’arrive, cet appareil permettant de transporter plus de cargos.
Le Sport
La cérémonie de reconnaissance patrimoniale a eu lieu, le dimanche 9 février, à l’occasion de la 60e course en canot du Carnaval de Québec, qui a débuté en 1955. C’est d’ailleurs grâce au Carnaval que cette activité maritime a pu continuer et se développer.
Bien sûr, ensuite, le génie créateur de certains canotiers-artisans a permis d’arriver aux canots allongés et très légers que nous connaissons aujourd’hui.
Fait à remarquer, c’est aussi, cette année, le 120e anniversaire de la première course en canot, qui eut lieu lors du grand carnaval d’hiver de Québec, en 1894.
Le patrimoine immatériel
Cependant, l’art de la navigation, de la connaissance des glaces, des vents, des courants, restent encore les mêmes et, fait surprenant, tout cela se transmet encore verbalement. De canotier à canotier, mais plus nécessairement par filiation. C’est là que nous sommes dans le champ du patrimoine immatériel, bien vivant.
Couronnement
Cet événement – la reconnaissance patrimoniale – est le couronnement de plus de quatre années intensives de démarches pour la Société québécoise d’ethnologie (SQE), en vue de mettre en valeur et de faire reconnaître cette activité hivernale unique, un symbole de la nordicité québécoise.
C’est la SQE qui a appuyé les recherches et les activités promotionnelles faites par l’ethnologue Richard Lavoie. Mentionnons que M. Lavoie a également pu produire, grâce au soutien de la SQE, le volumineux ouvrage Naviguer en canot à glace, un patrimoine immatériel, publié aux éditions GID, en février 2012, en collaboration avec son collègue ethnologue Bernard Genest, aussi président du comité scientifique de la Société. Cette recherche est à la base de l’analyse pour la reconnaissance patrimoniale.
UNESCO
Certains quotidiens ont rapporté que la prochaine étape serait la reconnaissance internationale par nul autre que l’UNESCO. Il va sans dire que d’ici à la coupe aux lèvres il y aura encore beaucoup de travail à abattre.
Il faudra sans doute que le Canada finisse par signer la convention internationale sur le patrimoine immatériel, avant que cela ne se réalise. À moins qu’il existe des moyens autres ou des ententes particulières de porter cette demande de reconnaissance vers l’UNESCO, mais cela n’est pas encore déterminé.
Discours du ministre Maka Kotto
DÉSIGNATION DE LA PRATIQUE DU CANOT À GLACE SUR LE FLEUVE SAINT-LAURENT
QUÉBEC, 9 FÉVRIER 2014
Le texte lu fait foi
Madame Julie Lemieux (membre du comité exécutif responsable
des dossiers de la culture, du patrimoine et de l’aménagement du territoire),
Monsieur Jean-Pierre Pichette (Président de la Société québécoise d’ethnologie),
Monsieur Bernard Genest (Président du comité scientifique de la Société québécoise d’ethnologie)
Monsieur Richard Lavoie (Ethnologue expert de la Société québécoise d’ethnologie)
Représentantes et représentants du Carnaval de Québec et de l’Association des coureurs en canot à glace du Québec,
Représentantes et représentants des Médias,
Chers amis,
Puissant symbole identitaire, la pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent est une représentation distinctive de la culture québécoise.
Aujourd’hui un sport de compétition après avoir longtemps été strictement utilitaire, la pratique du canot à glace, dans les deux cas, témoigne de la force et de la bravoure des femmes et des hommes qui l’exercent.
Depuis toujours, les courses de canot suscitent l’admiration et l’enthousiasme, comme cela a pu être constaté cet après-midi…
C’est donc avec beaucoup de fierté que j’annonce, officiellement… la désignation de la pratique du canot à glace comme élément du patrimoine immatériel, en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel.
Cette désignation, inscrite au Registre du patrimoine culturel du Québec, traduit la détermination du Québec de faire connaître, de sauvegarder, de mettre en valeur et de transmettre ce qui marque profondément notre identité.
Le geste que je pose aujourd’hui vise à reconnaître une pratique qui a résisté au temps et surtout aux rigueurs de l’hiver.
Il faut savoir que son apparition précéderait la période de contact entre les Autochtones et les premiers Européens venus explorer le Québec.
Des écrits de voyageurs et de mémorialistes en confirment l’existence au 17e siècle.
Au fil du temps, la traversée en canot à glace, aussi périlleuse soit-elle, était une nécessité pour les insulaires et les riverains qui devaient se déplacer et se ravitailler durant l’hiver.
Des hommes en ont même fait un métier, celui de passeur, en transportant des personnes, des marchandises et du courrier d’une rive à l’autre.
Il aura fallu attendre jusqu’en 1894 pour que la pratique du canot à glace trahisse ses fonctions d’origine, strictement utilitaires, et devienne une première course dans le cadre d’un carnaval d’hiver de Québec, un carnaval sous une autre forme que celle connue aujourd’hui.
La présence du canot dans la vie des ancêtres aura aussi imprégné l’imaginaire collectif au point d’inspirer des contes, des chansons et des légendes (comme la chasse-galerie).
Par ailleurs, la sauvegarde d’une pratique dans le patrimoine immatériel se confirme dans l’appropriation par le milieu qui la porte avec fierté et la garde bien vivante.
C’est pourquoi le Ministère a décidé d’accorder un montant de 40 000 $ à la Société québécoise d’ethnologie qui, en collaboration avec les canotiers, pourront documenter, plus en détail, la pratique du canot à glace sur l’ensemble du territoire québécois.
Ainsi, une meilleure connaissance des réalités du terrain guidera nos actions futures en matière de sauvegarde de la pratique maintenant désignée.
Je tiens d’ailleurs à remercier bien chaleureusement les membres de la Société québécoise d’ethnologie pour leur judicieuse proposition de désigner la pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent comme élément du patrimoine immatériel, particulièrement monsieur Bernard Genest, président du comité scientifique, et monsieur Richard Lavoie ethnologue expert.
Je veux également remercier ces authentiques porteurs de traditions que sont les canotiers, des passionnés qui ont tous enrichi, par leurs témoignages, la démarche menant à la désignation de cette traversée du fleuve en canot comme un élément fort de notre héritage collectif.
Félicitations à toutes les équipes, aux gagnants et un Joyeux Carnaval!
Maka Kotto,
Ministre de la Culture et des Communications du Québec