Les voyages… ou la survie de l’humanité ?!

Photo : Ross Parmly (Unsplash.com).

Le billet de Célébration acheté par l’homme qui me précède à la caisse du supermarché me sort de mon engourdissement… le billet arbore un avion (30 voyages à gagner) et deux voitures (BMW et Audi à gagner par dizaines) : les symboles de l’accomplissement du consommateur de notre ère.

À la maison, mon fils de 13 ans revient de l’école en s’exclamant : M’man, on va à Washington avec mon Stage band! Son grand frère qui le suit : Pis moi, c’est New York avec le groupe d’anglais enrichi! Et je ne dis pas que celui de 13 ans voudrait bien faire l’échange linguistique d’une semaine à Saskatoon!

Je soupire, car ces « sorties » s’additionnent à celle de ma cadette : Toronto, pour souligner la fin du primaire… Une sorte de voyage de graduation!

Et puis, il y a l’aîné qui voudrait bien un stage à l’international pour finir son DEC en techniques de bioécologie! Deux de ses amis s’envoleront pour l’Afrique et le Mexique. Les autres étudiants du cégep de La Pocatière ne sont pas en reste : Silicon Valley, le Maroc et la Suisse! J’oubliais : y’a aussi Washington!

J’ouvre le journal – Record de concentration de GES en 2018 : il n’y a aucun signe de ralentissement, et encore moins de diminution. Le lendemain : Plus de temps à perdre pour éviter la catastrophe avertit l’ONU.

Mais aussi, dans La Presse : S’évader à bon prix – Tu parles! Au prix de l’humanité!

Plus loin : Gagnez une croisière… – Gagnez un moyen de nous faire suffoquer un peu plus et encore plus!

Il convient de rappeler que la dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années : la température était de 2 à 3 degrés plus élevée qu’aujourd’hui, et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres au niveau actuel.

Les enfants! Vous n’irez ni à Toronto, ni à Washington, ni à Saskatoon, ni à New York. Et toi, mon aîné, je sais déjà que tu as renoncé à brûler du kérosène pour traverser un océan (l’équivalent de rouler une année en voiture).

L’Association du transport aérien international (IATA) prévoit que 7,8 milliards de passagers prendront l’avion d’ici 2036, soit presque le double des 4 milliards qui l’ont fait en 2017.

Je relis les avertissements d’Antonio Gutteres, secrétaire général des Nations unies – Gutteres, rappelons-le, n’est pas écologiste, mais bien ingénieur électronique de formation :

Comme la férocité des incendies et des vagues de chaleur de cet été le montre, le monde change sous nos yeux. Nous nous approchons du bord du gouffre. Il n’est pas trop tard pour changer de cap, mais chaque jour qui passe signifie que le monde se réchauffe un peu plus et que le coût de l’inaction augmente. Chaque jour où nous ne parvenons pas à agir est un jour où nous nous rapprochons un peu du destin qu’aucun d’entre nous ne souhaite – un destin qui résonnera à travers les générations dans les dommages causés à l’humanité et à la vie sur terre.

Gutteres déclarait cela il y a un an. Depuis, on sait que 2018 a battu les records de 2017 : l’Amazonie brûle, de même qu’une partie de l’Australie, la Californie aussi. Venise a connu des records d’inondations en novembre. Des villages en bordure du Saint-Laurent voient leurs berges emportées un peu plus chaque année.

Faut-il s’alarmer? OUI.

Vous vous demandez peut-être comment ont réagi nos enfants à qui on a refusé les « sorties » évoquées plus haut? D’abord : mal. Et puis, avec sagesse. Ils sont conscients que l’on peut être heureux sans faire le tour du monde.

Nous leur disons que seule l’action peut nous permettre encore d’espérer.

Le monde se trouve à un « tournant » et doit choisir entre l’« espoir » d’un monde meilleur en agissant maintenant de façon radicale, ou la «capitulation», a déclaré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres .

Additionnons toutes les actions individuelles pour qu’elles deviennent une force collective!

Et je pense à la sagesse de Voltaire qui n’a jamais résonné aussi fort qu’aujourd’hui, car c’est bien après avoir cherché le bonheur aux quatre coins du monde que son héros, Candide, a compris qu’il faut cultiver son jardin.

Voltaire, ça finirait bien! Mais non, cela ne suffit pas! Appelons nos gouvernements à réagir et à légiférer pour nous permettre d’entrer enfin dans la transition énergétique!

Johanne Voyer