Le 24 avril dernier soulignait la journée des locataires. À cette occasion, le Comité logement BSL souhaite prendre le temps de revenir sur la période d’augmentation des loyers qui tire à sa fin.
Pour bon nombre de locataires, une fois de plus, la période de hausse des loyers aura été un cauchemar. Cette année particulièrement, puisque les indices d’augmentation du Tribunal administratif du logement (TAL) ont été les plus élevés des trois dernières décennies. Le TAL aura donc manqué une très belle opportunité de freiner la hausse fulgurante des loyers qu’on connaît. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) l’a bien résumé dans son dernier rapport sur le marché locatif : « L’augmentation des loyers a dépassé à la fois l’inflation et la progression des salaires. » Sachant que les locataires bas-laurentiens sont les plus pauvres de la province, se loger sera encore davantage synonyme de se ruiner et de s’endetter pour plusieurs.
Malgré que les indices suggérés aient été historiquement élevés, certains propriétaires ont tout de même envoyé des augmentations de loyer bien au-delà de ceux-ci. Il est alors amplement justifié de contester une hausse dite abusive. À ce titre, les locataires ont le droit de refuser une augmentation proposée, et de renouveler leur bail selon les mêmes conditions déjà convenues. Il revient alors au propriétaire de s’adresser au TAL pour faire fixer le loyer s’il le souhaite, et de fournir les preuves qui justifient l’augmentation demandée.
Des droits, en théorie
Il est donc possible de refuser une hausse et de demeurer dans son logement. Néanmoins, plusieurs locataires acceptent une hausse de loyer abusive, pour acheter la paix, mais surtout par crainte de se retrouver avec un « dossier » au TAL. Les propriétaires font miroiter que ceux qui refusent seront fichés, et que cela pourrait nuire lors de futures recherches de logement. Appelons un chat, un chat : quand on essaie d’obtenir ce que l’on veut en faisant peur aux gens… on appelle ça du chantage.
Pourtant la loi est particulièrement claire à ce sujet. L’article 1899 du Code civil du Québec stipule que « Le locateur ne peut refuser de consentir un bail à une personne, refuser de la maintenir dans ses droits ou lui imposer des conditions plus onéreuses pour le seul motif […] que cette personne a exercé un droit qui lui est accordé en vertu du présent chapitre ou en vertu de la Loi sur le Tribunal administratif du logement […] »
Autrement dit, exercer ses droits en tant que locataire doit se faire sans préjudice.
Facile à dire, mais les choses ne se font pas par magie, et les propriétaires le savent trop bien. En effet, les droits des locataires doivent être défendus et portés devant un tribunal pour pouvoir être respectés. Il n’existe pas d’arbitre ou de police du logement. Si les droits ne sont pas pris en charge et défendus par les personnes concernées devant le TAL, ils ne sont que théoriques, et restent inactifs dans des textes de loi. On se retrouve à avoir des relations entre propriétaires et locataires basées sur la loi du plus fort.
On vous laisse deviner qui en sort gagnant… Par exemple, une personne nous racontait dernièrement que chaque propriétaire qu’elle avait contacté pour une récente recherche de logement lui ramenait sous le nez qu’elle avait un dossier au TAL pour fixation de loyer. Il est absurde de s’imaginer que le recours à une procédure purement administrative vienne pénaliser un candidat potentiel… mais pas pour des propriétaires avec le gros bout du bâton, cherchant des locataires qui accepteront tout sans lever le petit doigt, on dirait.
Comment s’en sortir?
Une piste de solution de plus en plus discutée serait l’anonymisation des jugements du TAL. Ceux-ci sont actuellement publics, et donc accessibles pour qui veut bien chercher dans un moteur de recherche juridique le nom d’une personne pour voir si elle a été convoquée en audience. Il n’est pas difficile de s’imaginer comment, avec des dizaines et des dizaines de candidatures pour un logement, un jugement peut affecter la sélection du propriétaire. Anonymiser les jugements du TAL viendrait court-circuiter ce processus simple de discrimination.
Une autre piste de solution envisageable demeure le développement de logements hors marché privé. Les HLM, coopératives et OSBL d’habitation ont tous des mécanismes internes qui permettent de gérer des demandes ou des litiges sans les judiciariser. Par exemple, les offices d’habitation ont des comités consultatifs des résidents, au sein desquels les locataires d’un HLM peuvent participer à la gestion de leur milieu. À différents degrés selon le modèle, les personnes habitant les logements hors marché ont davantage leur mot à dire sur leur milieu de vie, ce qui n’est pas le cas dans le privé, où l’objectif est la course aux profits. Reste qu’il faut financer ces alternatives, ce que la CAQ s’entête à ne pas faire!
Finalement, le droit au logement n’est pas reconnu dans nos textes de loi, contrairement au droit à la propriété. Les locataires doivent donc composer avec des approximatifs de droit à la dignité pour leur assurer un minimum de conditions de vie décentes. On peut penser au droit de maintien dans les lieux, à l’obligation du propriétaire d’offrir un logement en bon état d’habitabilité, d’assurer la jouissance paisible des lieux, etc. Ces droits sont essentiels, et ne doivent faire l’objet d’aucun recul politique, mais surtout, ils ne doivent pas être inhibés par l’intimidation des propriétaires. Ce qu’on a, il faut qu’on le garde, et que ça agisse réellement dans la vie des locataires.
Votre Comité logement Bas-Saint-Laurent