MONTMAGNY – L’infatigable recherchiste et mémorialiste de Lac-Frontière et des villages environnants, M. Jean-Guy Grégoire, est venu nous raconter quelques pages d’histoire de son village natal.
Au début du 20e siècle, à l’époque où cette municipalité était appelée « Klondike de l’Est », vu l’effervescence du commerce du bois, il y a déjà eu jusqu’à 3 000 habitants. Plusieurs incendies ont ébranlé cette petite communauté qui compte maintenant 198 personnes. Le village était en émoi.
« Avec tout ce que cette paroisse a subi, ce n’est pas pour rien qu’elle est si petite, et c’est beau qu’elle existe encore », de dire le mémorialiste qui fait des recherches depuis plus de 50 ans et dont le père, M. Eugène Grégoire, l’un des pionniers du village, a été marchand général et hôtelier.
Incendies
M. Grégoire se rappelle le feu de 1938, alors qu’il était enfant, qui a détruit le magasin général de son père. Cela a été une première épreuve pour sa famille.
« Dans les années 1920, mon père avait 18 employés », mentionne-t-il. « Il y avait un salon de barbier, qui a déjà eu cinq chaises. Il y a eu le restaurant et deux tables de billard. » Il raconte également que le « corps du magasin » était une mercerie pour hommes, avec vitrines et une salle d’essayage. « Mon père avait même deux chevaux pour la livraison et aussi un petit camion », dit-il. Ça a été une lourde perte lorsque le magasin est parti en fumée. Cependant, son père a toujours su surmonter stoïquement les aléas de la vie. Mais avant et après cela, il y a eu d’autres épreuves qui ont ébranlé la communauté.
Au début de la colonisation du village, en 1915-1916, le moulin à scie Murray & Gregory est construit puis brûle. On le reconstruit, mais il est à nouveau la proie des flammes en juin 1925. Un feu d’abattis détruisit aussi deux maisons en 1915.
Plusieurs autres moulins à scie brûlèrent. Vers 1918, celui de Jos Croteau, situé sur le 1er Rang, passe au feu. Celui d’Elzéar Ainsley (Lavallée & Pâquet), aussi sur ce rang, brûle en 1921. Quatre ans plus tard, c’est au tour du English Lumber et, en 1951, le moulin de Rodrigue et frères flambe. Reconstruit, il sera à nouveau détruit par un incendie en 1964. Le dernier en liste est celui de Conrad Poulin et fils, qui brûla en 1985. Cela fait bien des incendies.
L’année rouge
Mais voilà qu’en 1922, un « 31 juillet », plus exactement, comme le mentionne le mémorialiste, une conflagration éclate dans le village, sur la rue commerciale (rue de la Gare). D’après les informations que M. Grégoire a eues de M. Albert Labrecque, « le feu aurait pris tard dans la soirée dans […] l’ancien théâtre », écrit-il. Une partie de la rue commerciale y passe, incluant l’hôtel Veilleux : au total six bâtiments sont détruits. À peine relevés de cette épreuve, voilà que les Frontiérois sont à nouveau secoués par l’élément destructeur.
« Le 22 août de la même année, écrit M. Grégoire, le feu éclate chez le boucher Mathias Veilleux. Le père, la mère et leurs cinq enfants, âgés de trois à dix ans eurent le temps de fuir la vague de feu. Un édifice de trois étages, un hangar, une écurie, la boucherie, un cheval, deux vaches, furent les pertes qu’a subit Mathias Veilleux ».
Le journal Le Peuple de l’époque titrait : « Désastreux incendie au Lac Frontière ». L’introduction de l’article, dans lequel M. Grégoire a puisé, mentionne : « Le feu éclate chez M. Mathias Veilleux, boucher, et cause pour 17 000 $ de pertes », une fortune à cette époque.
Le journaliste continue sa description. « Cette foule, encore toute pénétrée des scènes terribles qui ont marqué l’incendie du commencement de la saison, livra une lutte extraordinaire pour enrayer le fléau. Sous la grêle des étincelles et les souffles embrasés, à la gigantesque lueur que le brasier projetait dans la nuit, c’était un spectacle impressionnant que celui de tous ces hommes luttant contre les torrents de flammes qui s’élançaient dans toutes les directions. »
Finalement, le 21 mai 1965, un grand incendie détruit l’hôtel Lapierre, le magasin E. N. Bossé, l’hôtel Jean-Paul Lajoie, le magasin Désiré Breton et l’entrepôt de la gare. La tenancière de l’hôtel y perdit la vie.
Toutefois, il n’y a pas eu que des malheurs dans ce village qui a d’ailleurs fêté en grand Noël 2014 dans son église municipalisée, transformée en salle multifonctionnelle.
L’histoire de Lac-Frontière se trouve dans le livre de Jean-Guy Grégoire, publié pour le centième anniversaire la fondation du village, mais maintenant épuisé.
Cependant, la mémoire de ce lieu sera à nouveau accessible, puisqu’il a eu l’idée, avec deux de ses amis et collaborateurs, de produire un DVD qui présentera à nouveau la trame historique de cette municipalité du sud de la MRC de Montmagny. Il est en cours de réalisation.
(Source : Entrevue et documents de M. Grégoire)