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Milieux humides ou aboiteaux : Faut-il vraiment choisir?

NOTRE-DAME-DU-PORTAGE – Des citoyens soucieux de préserver l’environnement déplorent depuis longtemps la disparition des milieux humides. Pourtant, entre la construction d’un méga-centre commercial en Montérégie et l’assèchement partiel d’un marais par la construction d’aboiteaux au Kamouraska, les perceptions face à ce dossier sont multiples. La science devient alors un outil qui peut aider les citoyens à prendre position.

C’est ce que Matthew Hatvany est venu expliquer à une trentaine d’invités du Comité Patrimoine et culture, le 3 mars dernier à Notre-Dame-du-Portage.

Professeur au département de géographie de l’Université Laval, Matthew Hatvany a écrit, en collaboration avec la Société historique de la Côte-du-Sud et Ruralys, un livre traitant de la longue relation que les humains ont entretenue avec les marais du Kamouraska. Il fréquente la région depuis 1991, alors qu’il découvre l’aboiteau de La Pocatière à la faveur d’un arrêt à la halte touristique. Il développe une passion pour le sujet et en fera l’objet de ses recherches à partir de 1996.

L’Homme ou la Nature?

Il constate que deux visions s’affrontent quand il est question de la gestion des milieux humides. La première, anthropocentrique, considère que les humains peuvent légitimement exploiter les ressources offertes par la nature. La seconde, dite biocentrique, considère que l’humain fait partie de son écosystème et que ses besoins ne sont ni plus, ni moins importants que ceux du reste des occupants de la planète. Ces deux visions ont tendance à s’exclure mutuellement, ce qui crée des tensions entre les groupes de citoyens. Le Kamouraska n’échappe pas à ce phénomène, surtout suite aux grandes marées catastrophiques de 2010.

Pourtant, l’Histoire nous apprend que depuis leur arrivée en terre d’Amérique, les habitants ont exploité les ressources présentes dans les milieux humides : pêche, récolte du foin de mer et des herbes comestibles, élevage de moutons de pré salé, etc. En équilibre avec cette utilisation, la création de digues (les fameux aboiteaux) a permis de récupérer et de protéger des terres très fertiles et très riches pour l’agriculture.

Une lecture attentive des données historiques disponibles démontre que cette utilisation mixte n’a pas eu d’effets négatifs sur les berges au Kamouraska. La superficie de terres humides et les lignes côtières sont relativement stables, ainsi que l’a démontré monsieur Donald Cayer, un sédimentologue qui accompagnait monsieur Hatvany et qui prépare un doctorat sur les questions d’érosion et de sédimentation à l’Université Laval.

 

Au final, on constate que les milieux humides présentent un équilibre dynamique qui fait alterner des périodes de sédimentation et des périodes d’érosion. Ces cycles sont extrêmement difficiles à quantifier et dépendent de très nombreux facteurs qui vont des cycles lunaires à la tectonique des sols.

Rechercher l’équilibre

La consultation de données scientifiques rigoureuses a forcé Matthew Hatvany à nuancer quelques dogmes. Oui, les milieux humides sont essentiels et il faut les protéger, mais il ne faut pas négliger la nécessité de retrouver une harmonie entre les activités humaines et la nature vierge.

Une utilisation raisonnée de l’endiguement, en plus d’être une tradition culturelle au Kamouraska, est un bel exemple de cet équilibre à recréer.