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Pénétrer l’univers de Klô Pelgag

RIVIÈRE-OUELLE — Cela faisait longtemps que j’avais le goût de pénétrer l’univers de Klô Pelgag, cette jeune chanteuse qui souriait au monde à travers une loupe. Plus exactement depuis le spectacle qu’elle avait offert à la chapelle du quai de Rivière-Ouelle, il y a deux ans. La sortie de son premier album « L’alchimie des monstres » en a été la porte d’entrée.

À la pointe du cap qui surplombe le fleuve Saint-Laurent sur le chemin du quai, ses parents habitent une belle maison bleue et jaune, coiffée de trois lucarnes, et remplie de meubles anciens. C’est là que je l’ai rencontrée. De la galerie, le regard porte sur la pointe aux orignaux et la chapelle où son père et sa mère se sont mariés.

L’accueil est cordial. Elle m’offre de prendre place dans le solarium. L’entrevue prend la forme d’une conversation. Détendue, Klô porte un chandail mauve. On retrouve le même éclat de couleur dans la monture de ses lunettes. Ses cheveux bruns sont remontés en toque. Si ce n’est qu’elle prend parfois de drôles de mimiques devant la caméra, Klô Pelgag est bougrement jolie.

Près d’une fenêtre avec vue sur ce paysage, un piano Laffargue est accoté au mur orangé. Même si elle habite Montréal depuis l’université, c’est là que Klô a composé presque toutes les chansons de son premier album. « C’est un lieu inspirant », dit-elle.

« Nous sommes la cinquième génération à habiter ici », précise-t-elle. Avant les Pelgag, la maison appartenait à l’oncle de sa mère. Un prêtre. Klô y a passé de grands bouts de son enfance. « C’était un endroit mystique pour nous. En même temps, elle nous faisait un peu peur », hantée qu’elle était par une foule d’objets religieux et de vieux portraits d’ancêtres noir et blanc, raconte Klô Pelgag.

Les contrastes

Klô adore les contrastes : elle aime à la fois la ville pour sa vie culturelle, alors que la quiétude de la campagne, la nature, les grands espaces conviennent très bien à son côté solitaire. Aussi, la fille la plus originale du Québec porte deux des patronymes les plus courants. Pelgag n’a rien d’Ukrainien, c’est le mariage entre Pelletier et Gagnon. Tout comme Klô est le diminutif de Chloé. L’accent circonflexe sur le o, elle le doit à Raôul Duguay. « Il ne faut pas l’oublier », me menace-t-elle, le bec pincé.

Klô n’est pas née à Rivière-Ouelle, mais à Sainte-Anne-des-Monts. Son père est le fils de monsieur Raymond-Marie Gagnon qui habitait à Saint-Pacôme. Le pianiste-compositeur André Gagnon est son grand-oncle. Voilà pour les présentations !

Klô a étudié en Arts et Lettres, Option théâtre au Cégep de La Pocatière avant de se diriger vers des études en cinéma à Montréal pour enrichir sa culture personnelle. Rapidement, elle a abandonné cette formation pour se consacrer à la musique.

C’est du théâtre, en secondaire 5, bien plus que de la musique que son goût pour l’art est né. Avec humour, Klô raconte que ses parents l’avaient inscrite à des cours de piano auprès d’une religieuse lorsqu’elle était enfant. L’aventure s’est terminée abruptement parce que l’enseignante refusait qu’elle apporte son chat. Cela ne l’empêche pas de jouer de la guitare et du piano à l’oreille. Elle compose ses chansons sur ces instruments.

Les concours

En 2010, Klô s’inscrit à Ma Première Place des Arts où elle remporte le prix Richard Desjardins et son laissez-passer pour une résidence classe de maître avec Gilles Vigneault à Natashquan.

En fait, Klô Pelgag a participé à plusieurs concours. Quand je lui demande les détails, elle me réfère à son site Internet. Et avec raison. La liste est vraiment impressionnante. OK, je vous en énumère quelques-uns : Première femme à remporter le prix Miroir « Célèbration de la langue française » au Festival d’été de Québec ; lauréate de deux prix coup de cœur au Festival Vue sur la relève 2012 ; finaliste et gagnante de cinq prix au Festival international de la chanson de Granby ; lauréate du Tremplin de Dégelis 2010. Pour les autres, il faudra faire comme moi et aller sur le klopelgag.com.

Klô Pelgag ne présente que ses compositions : « Je n’ai jamais repris les chansons des autres. » Ses textes sont forts, jamais banals. « J’écris par image. Je m’efforce à faire de mes chansons un paysage pour les aveugles. Je veux que la musique et les mots se confondent. Que l’un n’existe pas sans l’autre », dit-elle. C’est sa façon d’aider le monde. À l’image de ses parents travailleurs sociaux.

Les livres

Les livres ont aussi très tôt contribué à enrichir sa culture. Elle parle souvent de l’auteur Boris Vian. Klô se retrouve dans l’univers « surréaliste, super créatif intelligent » de son roman « L’Écume des jours », paru en 1947. Écrire un bouquin fait partie des rêves qui l’habitent. Si elle publie un jour, ce sera sous un nom de plume, promet-elle.

À peine lancé, « L’alchimie des monstres » reçoit un accueil plus qu’enviable de la critique. L’auteure-compositrice-interprète de 23 ans a décidé de sortir des conventions, de faire quelque chose qui lui ressemble. Elle a tiré dans toutes les directions et la flèche s’est plantée dans le centre de la cible. On aime sa belle folie, son univers aux frontières du rêve. Son imaginaire polychrome.

Une grande partie de l’album a été enregistré l’hiver dernier à la chapelle du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Pour l’acoustique, mais aussi pour l’ambiance d’un tel lieu qui lui donne une chaleur qu’on ne pourrait pas reproduire en studio.

Une série de spectacles est prévue au cours des prochaines semaines. Au Québec cet automne et cet hiver. En Europe en mars et avril 2014. Bonne nouvelle, Klô Pelgag sera sur la scène de la Salle André-Gagnon le 24 janvier à 20 h.

En quittant la belle maison bleue et jaune, j’ai cru à tort que je venais de sortir de l’univers Klô Pelgag. Sa voix, sa musique ont continué de remplir l’habitacle de la voiture. J’avais été happé par l’alchimie des monstres. Je me sentais comme un humain de retour sur Terre après avoir séjourné quelque temps dans un vaisseau extraterrestre. Il y a quelque chose de différent chez lui, qu’on ne peut pas voir, mais qui fait que désormais il appartient un peu à l’autre monde.