LA POCATIÈRE – Après 34 ans, le rideau tombe pour Pierre Lévesque sur une carrière d’enseignant au Cégep de La Pocatière. L’homme de théâtre ne tire pas sa révérence pour autant. Il compte bien continuer à faire de la mise en scène, en plus de s’adonner davantage à deux autres de ses passions : la graphologie et la construction de miniatures.
Pierre Lévesque voue une véritable passion au théâtre. Même son bureau au Cégep de La Pocatière avait les allures d’un décor avec ses fauteuils et accessoires de scènes. Et pourtant, l’homme ne parvient pas à en situer l’origine. « C’est un mystère », lance-t-il candidement. Chose certaine, elle s’est manifestée alors qu’il était tout jeune. « À deux ou trois ans, je jouais avec les personnages de la crèche. Je leur faisais faire des personnages de marquis ou de duchesses », raconte M. Lévesque.
Par la suite, Pierre Lévesque va voir sa soeur jouer des séances au couvent. Il assiste à des séances pastorales dans son village natal de Saint-Pacôme. Puis au Collège, il est fasciné de voir Guy Hoffman dans « Le malade imaginaire » de Molière. Étudiant au Cégep, il fait, en amateur, sa 1re mise en scène : « Les belles soeurs » de Michel Tremblay.
Miss Piggy présente Pierre Lévesque
Photo: Maurice Gagnon
Formation unique
Et voilà que Pierre Lévesque entre à l’Université Laval. Il s’inscrit en théâtre avec l’idée de devenir comédien. Rapidement, il se rend compte que sa préférence va pour la mise en scène et plus encore pour l’enseignement. Néanmoins, Pierre Lévesque a le privilège d’étudier sous la direction de Lee Strasberg, qui a contribué à faire de l’Actors studio, l’école d’art dramatique la plus réputée au monde.
« Jean Doat, le metteur en scène français, était venu au Québec fonder les Conservatoires d’art dramatique de Québec et de Montréal », raconte Pierre Lévesque. L’Université Laval lance alors un programme pour former des professeurs pour ces deux institutions. Pierre Lévesque a la chance de faire partie de cette unique cohorte de neuf étudiants.
Trois grandes troupes américaines, dont le fameux Living theatre de New York, leurs proposent des stages. C’est dans ce contexte que M. Lévesque a connu Strasberg.
Un défricheur
« J’avais alors le choix d’aller vers une carrière professionnelle de metteur en scène ou d’enseigner », dit Pierre Lévesque. Il a choisi l’enseignement tout en menant en parallèle une foule de projets dans la communauté. À une époque où, à part le théâtre scolaire, il ne se faisait à peu près rien dans la région, M. Lévesque fait figure de défricheur.
Pierre Lévesque en compagnie d’élèves finissants de l’Option théâtre et de sa collègue Nadine Bélanger (à droite)
Photo: Tommy Lavoie
Il propose d’abord aux spectateurs des pièces qu’il qualifie d’« underground ». Au début des années 1980, il met en scène « L’Opéra de quat’sous », une pièce musicale du dramaturge Bertolt Brecht qui réunit 80 personnes. Puis, au fil des ans, toujours en parallèle avec ses productions collégiales, Pierre Lévesque implante des troupes de villages, présente du théâtre d’été et amène des comédiens à personnifier des personnages historiques dans certains sites touristiques.
Toujours durant les années 1980, il introduit le théâtre à l’ancien Palais de justice de Kamouraska. Il reviendra dans cette salle quelques années plus tard avec « Chiniquy. »
Alexis Gagnon personnifiant Chiniquy et l’inspecteur Pantaléon de la Société du Roman policier
Photos: Maurice Gagnon et Tommy Lavoie
Plus récemment, Pierre Lévesque s’est associé à la Société du roman policier de Saint-Pacôme pour la mise en scène de deux pièces et avec les Fêtes du 150e anniversaire de l’enseignement agricole de La Pocatière pour la création de personnages historiques.
Les personnages du 150e de l’enseignement agricole au Canada en compagnie du député-ministre Béchard.
Photo: Tommy Lavoie
Le spectacle multimédia du 150e de l’enseignement agricole au Canada mis en scène par M. Lévesque.
Photo: Tommy Lavoie
Il monte un spectacle de village à Saint-Pacôme dans le but d’amasser des fonds pour sauver l’église. On le retrouve aussi à la base du prix littéraire Philippe-Aubert-de-Gaspé et, présentement, sur le conseil d’administration du Musée François-Pilote.
Une cohorte de l’Option Théâtre en répétition publique
Photo: Tommy Lavoie
Option Théâtre
Pierre Lévesque est aussi à l’origine, avec Danielle Plourde et Nadine Bélanger, de la création au Cégep de La Pocatière du programme d’Art et Lettres – Option théâtre. Ce programme axé sur un enseignement théorique et pratique est réputé partout au Québec, dit-il. Chaque année, des finissants passent des auditions dans les écoles de théâtre de niveaux supérieurs et plusieurs sont retenus. M. Lévesque croit que l’option est soutenue par une très bonne équipe.
Pierre Lévesque est à l’origine du programme Option Théâtre
Photo: Maurice Gagnon
Selon Pierre Lévesque, le succès de la formation en théâtre renchérit l’idée que les régions offrent autant de qualité que les grandes villes. Lui-même, d’abord pour assurer une bonne qualité de vie à ses enfants, a choisi de s’établir à La Pocatière. Même s’il a dû faire le deuil d’une certaine « vie mondaine » à Québec, Pierre Lévesque est heureux dans son coin de pays. Les régions, dit-il, sont beaucoup plus propices à la création.
« Si tu veux quelque chose, tu le fais », lance M. Lévesque. Plusieurs idées nées en région ont essaimé dans les villes par la suite, dit-il.
Bonne pièce
Pour Pierre Lévesque, la qualité d’une pièce repose essentiellement sur l’intrigue. « Il faut que l’histoire touche mes émotions », dit-il. Du même coup, M. Lévesque croit que ce qui fait une bonne mise en scène, c’est la touche de folie que l’on y met.
Rhinocéros de Ionesco est la dernière mise en scène de Pierre Lévesque comme enseignant.
Photo: Tommy Lavoie
Le metteur en scène doit surprendre le spectateur, lui faire oublier qui il est, où il est et le temps qui passe, tout en l’amenant, pour une heure ou deux, à croire à un tout autre monde.
Pourquoi ne s’est-il pas lancé dans l’écriture dramatique? Pierre Lévesque répond qu’il ne voulait pas se mettre en compétition avec ses élèves. « Si je veux tout leur donner, je ne dois pas les considérer comme des compétiteurs », dit-il.
Graphologue et maquettiste
Même si beaucoup de gens connaissent Pierre Lévesque le professeur et le metteur en scène, peu savent qu’il est aussi graphologue. Ce goût pour l’analyse de l’écriture lui est venu après que deux de ses élèves se soient suicidés la même année.
Il s’est alors demandé s’il ne pourrait pas avec cette pratique basée sur des millénaires d’expérience, détecter la détresse des jeunes. Il apprend que l’écriture peut révéler cinq marques de détresse.
Depuis à peine quelques années, les gens ont aussi découvert le talent de Pierre Lévesque pour la fabrication de miniatures à l’échelle un pied un pouce. Plusieurs de ses maquettes ont été exposées.
Pierre Lévesque, un géant à la fête foraine
Photo: Maurice Gagnon
Cette passion, raconte Pierre Lévesque, a débuté alors qu’il était enfant et qu’il passait ses journées dans les manèges de Martin carnaval, lorsque cette foire foraine venait à Saint-Pacôme. Pour en recréer l’ambiance, il s’amusait à reconstruire les maquettes des manèges dans le grenier, chez lui.
Hommage
Avant de quitter le Cégep, un hommage a été rendu à Pierre Lévesque. Sa collègue, Nadine Bélanger, a demandé aux anciens élèves via le réseau Facebook de lui écrire un message. Ils lui ont été remis lors de cet hommage. M. Lévesque a aussi été invité à revêtir la toge et le mortier pour recevoir un certain doctorat honoris causa qui trône fièrement dans sa maison.
Qu’est-ce que Nadine Bélanger retient le plus de Pierre Lévesque?
« Sa capacité à transformer en force la faiblesse d’un élève. » Par exemple, dit-elle, si un élève ne possédait pas un très grand talent pour le jeu, M. Lévesque trouvait une façon de faire en sorte que cette faiblesse serve le personnage, si bien qu’on avait l’impression qu’elle habitait le personnage.
Pierre Lévesque le conteur et l’enseignant
Photos: Tommy Lavoie
Pierre Lévesque n’enseigne plus, mais ne compte pas s’arrêter pour autant. Il a déjà quelques projets de mises en scène. Il veut accorder une place plus grande à la graphologie et construire de nouvelles maquettes.
En homme heureux, il veut aussi s’accorder plus de temps avec ses petits-fils.
Pierre Lévesque; enseignant à la retraite et metteur en scène en création.
Photo: Maurice Gagnon