Place aux lecteurs: Comment devenir millionnaire dans le Kamouraska?

Vous voulez faire de l’argent sans « tataouinage »? Dans le Kamouraska, c’est très simple. Voici la recette miracle, en trois étapes faciles.

1 – Vous achetez une terre agricole d’où jaillit un magnifique Caburon (ou Monadnock), ces morceaux des Appalaches semblables aux Montérégiennes;

2 – Vous dites à la Commission de protection du territoire agricole (qui ne protège, justement, QUE le territoire agricole) que vous manquez d’espace pour cultiver;

3 – Vous trouvez un comparse qui exploite des carrières de garnotte et vous lui passez le lucratif contrat de tout aplanir (normalement, il devrait à ce moment saliver abondamment). Du coup, vous vous en mettez autant dans les poches que lui. Vous pouvez même pousser l’audace jusqu’à vendre vos précieux tas de cailloux au ministère des Transports du Québec.

J’allais oublier un détail insignifiant : la réglementation du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) interdit les carrières à moins de 600 m d’une zone habitée. Pour contourner cette fâcheuse loi, sachez que le MDDEP accepte des dérogations si vous pouvez lui garantir de « minimiser les sources de bruit et la poussière ».

La main sur le cœur, promettez-le au fonctionnaire, et par écrit s’il le faut, même si tout le monde sait qu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs. Par la suite, n’hésitez même pas à dynamiter et concasser de nuit, éclairé avec des projecteurs comme en plein jour : ce sera toujours à l’insu des fonctionnaires du ministère, qui dorment au gaz, surtout la nuit. Croyez-moi : vous n’aurez jamais logé d’appel aussi payant.

Vous serez morts de rire. Et, le plus riche des alentours. Vous en doutez? Allez contempler le beau travail de deux entrepreneurs qui, en ce moment même, creusent et dynamitent à flanc de montagne, l’un à Saint-Philippe-de-Néri, tout près des étangs de filtration des eaux usées récemment restaurés à grands frais par la municipalité, et l’autre à La Pocatière. Avisés, ils ont bien compris qu’il n’y aucune protection pour les Caburons.

Et de dérogation en dérogation, grâce à eux, peu à peu, le Kamouraska deviendra plat comme… l’Alberta. Ceux qui s’y seront installés pour la beauté des paysages songeront à vendre, mais plus personne ne voudra de leur maison plantée dans un décor aux allures de Pays-Bas. À ce moment seulement, tout surpris, nos élus changeront ces lois. Il sera trop tard, bien sûr : avez-vous déjà essayé de recoller des tas de garnotte?

Jean-François Vallée
Saint-Philippe-de-Néri