Place aux lecteurs : Québec dans le rouge? Où est passé notre argent?

Suis-je le seul à trouver révoltant le lavage de cerveau que nous subissons, comme citoyens, depuis quelque temps, pour nous convaincre qu’il va falloir tous se serrer la ceinture pour payer la dette du Québec?

Le Québec est dans le rouge, le Québec est plus pauvre et plus endetté que le reste de l’Amérique, le Québec vit au-dessus de ses moyens, le Québec est désormais trop pauvre pour maintenir des programmes sociaux aussi généreux, le Québec est surtaxé, il va falloir  faire des choix collectivement – comprenez, vous allez devoir vous soumettre aux choix que nous avons déjà fait pour vous : hausser vos impôts, vos taxes, vos tarifs, couper un peu partout, et pourquoi pas, vendre Hydro-Québec, comme le Nouveau-Brunswick, pour payer nos dettes.

C’est le retour en force de tous les chantres de la soumission à tous les Seigneurs de ce monde, dans le but de nous convaincre une fois de plus que nous sommes nés pour un petit pain. On est loin du « Maîtres chez nous » et de la « Libération économique » de Lesage, Lévesque et Parizeau. Pas très loin par contre du « Nègres blancs d’Amérique » de Pierre Vallières!

Car justement, tout est faux. Le Québec est un pays riche. La richesse produite au Québec ne cesse d’augmenter. Les Québécois sont plus innovateurs que jamais. Quand on tient compte des avantages sociaux dont ils jouissent, ils ne sont ni plus pauvres ni plus taxés que les autres.

Par contre, ici comme ailleurs, la richesse que nous produisons, par le truchement de la fiscalité, de l’actionnariat et de la spéculation financière, se concentre entre les mains d’une poignée de grandes firmes financières, pétrolières, forestières, minières, agroalimentaires, qui en détournent la majeure partie à des fins privées, quant ils ne vont pas carrément la cacher ou l’investir ailleurs.

Conséquemment, malgré les augmentations importantes de la productivité et des rendements, au cours des dix dernières années, le salaire réel des travailleurs n’a pas augmenté, mais la dette, oui. C’est là le véritable déficit, la source cachée de notre misère.

Le manque à gagner dramatique du Québec, que ne cessent de dénoncer tous les lucides, adéquistes, centre-droitistes et autres valets de service qui critiquent le modèle québécois et prêchent la soumission au Marché, comme si de rien n’était, c’est de là qu’il vient : du peu de profit qu’on tire de l’exploitation de nos ressources et de notre épargne en les cédant sans condition à des entreprises anonymes et apatrides qui n’ont aucun souci de s’en servir comme levier du développement régional et national.

La clé de la richesse du Québec (…), n’est pas dans l’octroi de faveurs aux entreprises, dans les baisses d’impôts, les coupures de services, les hausses de tarifs ou la privatisation d’Hydro-Québec : elle est au ministère des Ressources naturelles où, comme le dénonce Richard Desjardins, on pratique encore aujourd’hui une politique coloniale dévastatrice pour les communautés régionales et le Québec tout entier, et aussi au ministère des Finances, du Commerce, de l’Industrie, de l’Agriculture, du Développement durable où, dans les faits, on continue à être d’abord au service des grandes industries, plutôt que du développement du Québec et de ses communautés.

La campagne actuelle ne vise qu’à nous convaincre que nous devons payer pour permettre à cette oligarchie de préserver ses profits et sa compétitivité, jusqu’à consommation totale de la planète.

Roméo Bouchard
Saint-Germain