Place aux lecteurs: Vive les accords des désaccords du commerce intérieur provinciaux

M. Charest et M. Béchard, vous vous apprêtez à entériner les nouvelles dispositions agricoles (chapitre 9) de l’Accord sur le commerce intérieur identiques à celles refusées en juillet 2008 et ceci sans consulter les acteurs principaux, les agriculteurs (trices).

Dans une démocratie comme la nôtre, il est inconcevable de laisser un comité de sous-élus de l’A.C.I. le soin de trancher la légitimité de nos lois, règlements, notre mise en marché, la gestion de l’offre.

C’est une gifle à notre autonomie, à l’innovation de la promotion de l’alimentation conforme à l’attente des Québécois. Tout ceci pour protéger vos amis, les multinationales ou encore certains transformateurs ou détaillants à la moralité plus que douteuse.
 
En tant que producteur de bovins, une telle signature permettrait d’attaquer et contester le cahier des charges qui précise les modalités de production des veaux de grain et veaux de lait, le canal unique de mise en marché des bovins de réforme, le règlement sur la garantie de paiement, le système québécois de traçabilité, et autres.

Ce sont des outils collectifs essentiels aux yeux des producteurs de bovins, et qui ont démontré leur efficacité dans le cadre du développement de la production bovine. Leur remise en question serait donc fortement dommageable pour l’industrie.

Messieurs les élus, vous semblez ignorer que nous avons les statuts d’entrepreneurs, d’hommes et femmes d’affaires sans pouvoir, c’est unique au Québec, de gestionnaires, de professionnels qui gèrent des millions d’actifs et qui se sont engagés à produire des aliments à moindre coût pour gagner leur vie et cela sans subvention pour les productions sous gestion de l’offre, d’ailleurs c’est un modèle envié du monde entier et même des « maudits » Américains individualistes, nous avons aussi le statut de visionnaires, de créateurs et artistes.

Vous nous ridiculisez en nous écartant du processus de décision. C’est admettre cette non-reconnaissance de la profession de nourricier du monde, car on ment à ce même monde depuis des lustres sur les véritables enjeux, en cachant les véritables acteurs.

Vous reléguez au rang de simples figurants un spectacle avilissant, où vous, politiciens(nes) et vos porte-parole sont les vedettes. Mais la réalité est que vous, les gouvernements, dormez sur la « switch » depuis des décennies et ça fait votre affaire.

À laisser trop longtemps les autres s’occuper de nos affaires, de notre avenir, de façonner notre identité ou plutôt notre ombrage, on finit tout bêtement par devenir invisible et sans nom, sauf peut-être l’habitant, le colon pour les ignorants.

Ce n’est pas parce que vous croyez en votre doctrine que celle-ci est forcément vraie. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à ne pas être soumis à celle des autres. Ce qui est juste est souvent oublié au profit de ce qui est commode. Comme vous nous informez mal, vous avez transformé les agriculteurs citoyens en agriculteurs sujets.

Vous, décideurs, ne détruisez pas la beauté de notre système de production, dont les preuves sont inexpugnables, pour de futurs rêves futiles. L’avenir que vous offrez aux producteurs et consommateurs est un fantôme aux mains vides qui promet, mais qui n’a rien à offrir si ce n’est qu’ennuis et famine.

Si vous vous accordez le droit de tout faire sans notre accord, il vous faudra en subir les conséquences. En signant cet accord tel quel, vous restreignez le développement de l’agriculture québécoise et nous devenons une société décadente, sans oublier que vous vous moquez de nous en nous imposant une panoplie de règlements qui se traduisent en contraintes bétonnées au point de freiner totalement l’accès à la profitabilité.
 
Vous avez non seulement un devoir moral et social, vous avez aussi le devoir de rassembleur. Vous avez à la fois un devoir de réserve et sans réserve, mais vous n’avez pas le devoir sous toute réserve. Rappelez-vous que l’agriculteur est comme le bambou qui se courbe, cependant, il est plus fort que le chêne qui résiste.

La différence entre ce que vous faites et ce que vous pourriez faire, suffirait pour résoudre la plupart de nos problèmes.
 
Donc, si je vous pose la question, pourquoi voulez-vous signer un A.C.I. comme cela? Ne me répondez pas, c’est parce que c’est comme ça, parce que c’est comme ça, sinon, vous venez de m’avouer que vous ne comprenez pas le « c’est comme ça ».
 
Rappelez-vous que l’agriculture est le plus bel art au monde, parce qu’elle est la mère nourrice de tous les arts (Xénophon 350 ajc). Il n’est nul art au monde auquel soit requis une plus grande philosophie qu’à l’agriculteur, même nos orateurs et notre justice n’ont jamais atteint ce sommet.
 

Jean-Yves Gosselin,
Producteur de bovins de la Côte-du-Sud.