Le feu a rasé la ferme familiale de la famille de Benoit Morneau dans le rang des Côtes à Kamouraska. La nouvelle est déjà presque oubliée, mais ayant moi-même été élevé sur une ferme, et ayant vécu de ma ferme à Saint-Germain pendant 20 ans, cette tragédie ne cesse de me hanter.
Une ferme qui brûle, c’est plus qu’une maison ou une usine qui passe au feu. Ce que le feu détruit, c’est plus que des bâtiments et un troupeau. Le lien qui unit un fermier et sa famille à sa terre, sa ferme et ses animaux est existentiel, intime, vital. Il s’est créé le plus souvent de père en fils depuis des décennies. Le fermier cultive sa terre et prend soin de ses animaux tous les jours, du matin au soir; il les connaît dans leurs moindres détails; en retour, la terre le nourrit et nourrit ses animaux; ses animaux dépendent de lui, mais il dépend aussi d’eux pour vivre : ils se côtoient tous les jours, année après année, ils se connaissent intimement, par leur nom, leur odeur et leur tempérament, pour ainsi dire. C’est cette union vivante qu’anéantit le feu, et on imagine à peine le vide, la peine et la solitude qu’il laisse. C’est un grand malheur, et un deuil insoupçonné.
Ce malheur vient s’ajouter aux angoisses qui tracassent déjà nombre d’agriculteurs qu’on pousse à grossir, à s’endetter, à se robotiser pour survivre, mais à quel prix humain et mental!
Au-delà de la curiosité, les personnes éprouvées ont droit à notre solidarité. Autrefois, les corvées du voisinage venaient en aide aux sinistrés. Aujourd’hui, ce sont plutôt les assurances et les conseillers financiers. Mais ceux-ci ne remplacent pas la compréhension et la solidarité de la communauté. Connaissant la vaillance et l’engagement du fermier concerné et de sa famille, nous pouvons être assurés qu’ils sauront rebâtir un avenir encore meilleur. Nous le leur souhaitons de tout cœur.
Roméo Bouchard, Saint-Germain