LA POCATIÈRE/MONTMAGNY – Dans le but d’aider les librairies indépendantes, le ministre de la Culture du Québec, Maka Kotto, a annoncé la semaine dernière qu’il déposera à la prochaine session parlementaire un projet de loi pour encadrer le prix des livres neufs.
Les associations professionnelles du livre du Québec réclament depuis longtemps une réglementation sur le prix des livres. Plusieurs pays, européens surtout, ont déjà une telle politique dont, la France, souvent citée en exemple, qui, depuis 1982, a mis en place une loi qui interdit, entre autres, de vendre un livre neuf produit en France en dessous du prix fixé par l’éditeur. D’ailleurs, plusieurs observateurs considèrent que le bilan général de la loi française est positif.
Ici, c’est autre chose. Le 2 décembre, le ministre Kotto, annonçait, après la tenue d’une commission parlementaire sur le prix du livre, qu’il y aura un projet de loi qui limitera les rabais sur le prix de vente des livres neufs – et pas seulement ceux faits au Québec –, imprimés et numériques, pour les neuf mois suivants la parution. Cela vise bien sûr à mettre un frein, du moins temporaire, aux rabais importants offerts par certaines grandes surfaces qui défavoriseraient les librairies indépendantes.
Libraires favorables
Propriétaire de la Librairie L’Option de La Pocatière, M. Sylvain Hudon approuve la mesure qui limite à 10 % le rabais pouvant être appliqué sur les nouveautés littéraires au cours des neuf premiers mois de leur mise en marché.
Contrairement à ce que certaines personnes ont affirmé, une telle mesure ne ferait pas augmenter le prix de vente des livres neufs établi par l’éditeur. Cela ferait simplement en sorte que les grandes chaînes comme Costco ou Wall-Mart ne pourraient appliquer un rabais supérieur durant cette période.
Propriétaire de la librairie agréée Livres en tête de Montmagny, Mme Marcelle Caron, s’est dite elle aussi « en faveur de la réglementation », surtout si cela peut aider au maintien d’un réseau de librairies indépendantes. « Si du jour au lendemain les librairies ferment une à une. Où va-t-on trouver les livres des auteurs moins connus, imprimés à petit tirage? », soulève-t-elle. Faisant comprendre que ce n’est certainement pas les grandes surfaces comme Costco qui vont les distribuer, puisqu’ils ne vendent que « les gros vendeurs », imprimés à plusieurs milliers d’exemplaires.
Plus d’argent pour les écoles
Dans un contexte de gouvernement minoritaire, Sylvain Hudon est conscient que l’idée ne reçoit pas l’aval de tous les partis d’opposition. À défaut d’atteindre cet idéal, il propose que le gouvernement augmente son budget pour l’acquisition de livres en milieu scolaire.
Depuis 1981, une loi gouvernementale oblige les acheteurs institutionnels (bibliothèques, écoles, corporations municipales, et autres) à acheter leurs livres dans les librairies agrées de leur région administrative.
En plus de soutenir les librairies, l’État encouragerait ainsi le goût de la lecture chez les jeunes. Sylvain Hudon souhaiterait aussi que des sommes soient allouées pour accroître l’animation culturelle, notamment en aidant les librairies à faire venir des auteurs.
« Dans une librairie, on offre un service qui est pas mal plus complet que dans une grande surface. C’est pour cela que c’est important de maintenir un réseau de librairies en santé », de mentionner Mme Caron. Pour M. Hudon, ce lien de proximité entre le libraire et le client est tout aussi important.
L’intérêt des consommateurs
Le projet réjouit d’un côté les libraires indépendants, Québec solidaire et certaines associations telles que l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ). D’un autre côté, il s’attire les foudres des partis d’opposition comme la CAQ qui pense qu’il « nuira à l’accessibilité aux livres ».
Le Parti libéral du Québec s’opposera lui aussi au projet de loi. « Nous en venons à la conclusion que la proposition du ministre n’est pas dans l’intérêt des consommateurs; que les consommateurs qui achètent leurs livres dans les grandes surfaces n’iraient pas vers les librairies; que sans l’escompte qu’ils auraient dans les premières semaines dans les grandes surfaces, le consommateur est perdant », a pour sa part indiqué en entrevue au Devoir l’ancienne ministre de la Culture, Christine Saint-Pierre. Elle préconiserait d’autres mesures pour aider les librairies indépendantes.
Saine concurrence
La porte-parole du mouvement Sauvons les livres, Élodie Comtois, déplore la position de Mme Saint-Pierre. « Le PLQ prétend défendre le consommateur alors que c’est justement l’absence de réglementation qui nuit au lecteur consommateur. Tous les exemples à l’international le prouvent, de la France à l’Allemagne, en passant par le Mexique et le Japon. C’est en conservant une saine concurrence grâce à un grand nombre de points de vente que le prix des livres restera stable, comme cela est le cas dans tous les pays qui ont réglementé », a-t-elle déclaré au Devoir.
Autant à la librairie L’Option que chez Livre en tête, les clients bénéficient d’un rabais d’environ 10 % grâce à une carte fidélité. « Nous avons développé une clientèle qui aime mieux avoir une librairie où il y a du choix, du service. Et ils nous encouragent », ajoute Mme Caron.
La vente en ligne et le livre numérique sont deux autres secteurs, selon Sylvain Hudon, où un soutien du gouvernement serait le bienvenu.