La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, blâme sévèrement le gouvernement qu’elle accuse d’avoir transféré le fardeau de la protection du patrimoine bâti de la province sur le dos des municipalités. À La Pocatière, des voix s’élèvent pour s’opposer à la démolition de la meunerie et de la bergerie de la Ferme-école Lapokita par le MAPAQ. Et Ruralys, organisme basé au Kamouraska et disposant d’une expertise reconnue dans la protection, la conservation et la mise en valeur des ressources patrimoniales, s’apprête à mettre la clé dans la porte de façon définitive. Est-il minuit moins une pour la sauvegarde de patrimoine bâti dans Kamouraska-L’Islet ?
Depuis 1999 que Jeanne Maguire travaille à titre d’agente culturelle villes et villages d’art et de patrimoine à la MRC de Kamouraska. Lorsqu’on lui demande de définir le patrimoine kamouraskois, qui ne se limite pas qu’au capital bâti, mais qui englobe également tout l’aspect paysager, elle dit : « C’est un amalgame entre des paysages en terrasse et des monuments emblématiques comme le Collège Sainte-Anne et l’ITA à La Pocatière ou même l’Ancien Palais de Justice à Kamouraska. »
Jeanne Maguire rappelle d’ailleurs que le Kamouraska dispose de près d’une trentaine de bâtiments ou sites cités patrimoniaux ou classés monument historique sur son territoire. S’ajoutent à cela cinq municipalités, Kamouraska, Saint-Pascal, Saint-Alexandre, Saint-Pacôme et la Pointe-aux-Originaux à Rivière-Ouelle, qui disposent d’un plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) dont l’objectif est de veiller à faire ressortir une certaine unité visuelle auprès d’un ensemble de bâtiments d’une municipalité, lorsque les propriétaires procèdent à des rénovations, par exemple. Enfin, trois, soit La Pocatière, Kamouraska et Saint-Pascal ont également adopté des règlements de démolition où un comité s’engage à étudier les demandes des propriétaires avant de délivrer le permis de démolition du bâtiment.
Dans l’ensemble, l’agente culturelle villes et villages d’art et de patrimoine estime que le Kamouraska fait plutôt bonne figure en matière de préservation du patrimoine bâti, comparativement à d’autres MRC. Elle rappelle même que le Kamouraska a été assez avant-gardiste en dressant un premier inventaire non exhaustif de son patrimoine bâti dans les années 90.
Le même exercice, mais cette fois plus complet et réalisé dans sept municipalités du territoire, a été répété dans la décennie suivante. Le tout était accompagné d’une démarche de sensibilisation auprès des propriétaires à l’intérieur de soirées informatives où il était question du comment rénover ou quoi remplacer sur leurs demeures. L’historique des bâtiments les plus exceptionnels avait même été travaillé par les Archives de la Côte-du-Sud et remis au propriétaire.
« On ne voulait pas se faire reprocher d’avoir fait un inventaire qui dort sur une tablette. La démarche avait été prise à cœur et les résultats ont été là, dans l’ensemble », se souvient Jeanne Maguire.
Essoufflement
Mais depuis quelques années, l’agente culturelle villes et villages d’art et de patrimoine sent un essoufflement. L’absence de programmes de financement intéressants y est pour quelque chose, selon elle. À titre d’exemple, elle rappelle le Programme de restauration et de mise en valeur des petits patrimoines bâtis. Ce dernier a permis, il y a une dizaine d’années, d’assister à la restauration d’environ 80 petits patrimoines au Kamouraska, comme des granges, des ateliers ou des croix de chemin.
« Souvent, les gens s’apprêtaient à les démolir. Les inspecteurs municipaux passaient, faisaient connaître le programme et les gens décidaient d’appliquer dessus. C’était de petites subventions d’environ 1000 $, mais qui dans certains cas ont occasionné des rénovations d’environ 20 000 $. Et la fierté des gens qui avaient finalement décidé de restaurer au lieu de détruire, c’était incroyable », s’exclame Jeanne Maguire.
Dans sa dernière politique culturelle adoptée en 2019, la MRC de Kamouraska a identifié neuf chantiers de travail qu’elle entend prioriser ces prochaines années. Trois d’entre eux concernent le patrimoine. Une de ces actions consiste à refaire un inventaire révisé et uniformisé du patrimoine bâti kamouraskois.
« On veut ramener ça d’actualité, car les gens ne voient pas encore assez le potentiel de ces bâtiments qui sont souvent abandonnés. Ça va nécessiter encore beaucoup d’activités de sensibilisation qu’il faudrait renouveler sur une base plus régulière », conclut-elle.