LA POCATIÈRE — Mylène Paquette a réussi l’exploit de traverser l’Atlantique à la rame en solitaire : 4 300 kilomètres en 129 jours, d’Halifax à Lorient, en France. C’est d’abord le récit d’une femme qui a défié sa peur de l’eau pour réaliser son rêve et dépasser l’horizon qu’elle a livré mercredi dernier à la Salle André-Gagnon de La Pocatière.
Un jour, Mylène Paquette participe à un week-end de voile au lac Champlain en compagnie de sa sœur. Elle n’avait jusque-là jamais navigué autrement que sur un bateau à moteur. C’est alors qu’elle développe une passion qui, malgré sa peur d’être dans l’eau, la mènera à entreprendre le long chemin vers l’accomplissement d’une extraordinaire aventure.
« Ça me grugeait en dedans », dit-elle en parlant de son rêve. Mais Mylène hésite. Elle le repousse tellement la peur de plonger dans l’eau rôde autour. En ski nautique, elle n’éprouve aucune crainte pourvu qu’elle reste à la surface. Dans l’eau, c’est une tout autre affaire.
Préposée aux bénéficiaires à l’hôpital Sainte-Justine, Mylène encourage Cynthia, une enfant malade, terrorisée par la peur de mourir, de quitter ses proches, à ne pas baisser les bras. « De quoi tu parles ? Ta gueule. Tu ne sais pas c‘est quoi se battre vraiment. Tu ne sais pas c’est quoi affronter tes peurs », lui lance l’enfant. Ces paroles convainquent Mylène de surmonter sa peur et de se jeter dans l’aventure.
Mylène Paquette a pris le temps de rencontrer son public et de dédicacer son livre « Dépasser l’horizon ».
Pour ses 30 ans
Lors de son trentième anniversaire, on lui demande ce qu’elle veut faire pour ses 30 ans. « Traverser l’Atlantique à la rame », lance Mylène. Le jour où elle décide de parler de son projet à ses parents, son père réagit mal et la boude. Sa mère tente de la décourager. Elle lui propose de le faire plutôt avec d’autres rameurs. Rien n’y fait. Une traversée Maroc-Barbades en équipe prouve à Mylène qu’elle peut le faire seule.
S’amorce pour elle une longue préparation de cinq ans que Mylène Paquette a racontée, dont l’acquisition du bateau et sa rencontre avec Hermel Lavoie qui, pendant deux ans, l’a aidée à le transformer. « Hermel est devenu la personne qui croyait plus en moi que moi-même. Il a adhéré au rêve qui m’habitait et a tout fait pour que j’y arrive. » Le bateau de Mylène s’appelait d’ailleurs L’Hermel.
Elle part d’Halifax le 6 juillet 2013. Au tout début de sa traversée, découragée de tourner en rond au large de Terre-Neuve, à la veille de tout laisser tomber, son équipe au sol, avec laquelle elle est continuellement en contact, lui dit de ne pas lâcher. « J’ai essayé d’abandonner, ça n’a pas marché », ajoute Mylène en riant.
Une question d’attitude
« La seule chose que je pouvais contrôler, c’est l’attitude que j’avais choisi d’adopter face aux événements », raconte l’aventurière. Elle parle de ses moments magiques qu’elle créait au cours de la traversée, comme faire des bulles de savon dans sa cabine ou danser sur le pont la musique au bout. C’était une façon pour elle de déranger les instants d’angoisse. Elle se faisait un devoir aussi de célébrer ses bons coups.
Pendant la traversée, Mylène Paquette a chaviré dix fois. « Ce n’est pas dramatique chavirer », dit-elle. Le lestage du bateau le ramène à la surface. Ce fut une tout autre affaire quand est venu le temps de plonger pour nettoyer la coque. Sa peur l’amenait à repousser ce moment. Elle y parvient grâce aux conseils d’une psychologue qui lui suggère de faire de la visualisation, de voir sa journée depuis le matin pour en venir à dédramatiser l’objet de ses peurs en imaginant des choses ridicules. Elle dit que c’est l’accomplissement dont elle a été le plus fière.
Suivre son intuition
Toujours, face à ses peurs, Mylène réalise que c’est d’elle-même qu’elle avait le plus à craindre, quand elle repense aux risques ou aux imprudences de la veille. « Cette personne est dans le bateau avec moi et elle court à ma perte », lance Mylène Paquette en parlant d’elle. Faisant fi des recommandations de son équipe au sol, mais surtout de son intuition, elle avait chaviré avec l’éolienne. « Écoute ton intuition », affirme la rameuse.
Mylène Paquette arrive à destination, fusées scintillantes aux mains. Le projet touche à sa fin. À 11 h 9, heure de France (5 h 9 EST), le 12 novembre 2013, après 129 jours en mer, 10 chavirages et des vagues de plus de dix mètres, Mylène Paquette est devenue la première rameuse océanique nord-américaine à traverser l’océan Atlantique Nord, en solitaire – du Canada à la France. « On ne le fait pas pour le résultat, mais pour le vivre, pour le parcours », dit-elle.
Suivront 21 heures d’entrevues consécutives et une série de conférences. L’aspect sauvegarde de l’environnement fait aussi partie de son projet. Elle est d’ailleurs ambassadrice au Québec pour la Fondation David Suzuki. Récemment, elle a lancé son livre « Dépasser l’horizon » aux éditions La Presse. Elle y raconte son aventure. L’ouvrage est émaillé de photos, dont celle de sa rencontre avec le Queen Mary II, le 27 septembre, après 84 jours en mer.